La réforme des intermittents ? "Une réformette"

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L’AVIS DE - Agnès Verdier-Molinier, directrice de l’Ifrap, estime que l’effort qui leur est demandé "n’est finalement pas énorme".

Le contexte : les intermittents menacent les festivals. Confronté à un déficit chronique, le régime des intermittents du spectacle est en passe d’être réformé. Le gouvernement a laissé les partenaires sociaux négocier entre eux. La nouvelle convention chômage validée le 22 mars par trois syndicats (CFDT, FO et CFTC) et le patronat (dont le Medef) prévoit des économies sur le régime d'indemnisation. Le texte doit entrer en vigueur le 1er juillet et n’attend plus que d’être paraphé par le gouvernement. Mais une partie des intermittents est entrée en rébellion pour l’en dissuader. Les protestataires, appuyés par la CGT, menacent même de faire annuler une bonne partie des festivals d’été. Le gouvernement a donc nommé vendredi un médiateur dont la mission s’annonce compliquée.

>> "En réalité cet accord entre les syndicats est une mini-réforme, une réformette", estime pourtant Agnès Verdier-Molinier. La directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), un think tank d'obédience libérale qui milite en faveur d'une réduction du poids de l'Etat, était l’invitée d’Europe 1  lundi pour argumenter.

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Un effort "finalement pas énorme". Le mouvement de contestation n’est pas justifié "car en réalité cet accord entre les syndicats est une mini-réforme, une réformette", estime Agnès Verdier-Molinier. "On sait tous que les intermittents cotisent très peu, de l’ordre de 230-250 millions d’euros par an, pour des indemnités versées de l’ordre de 1,3 milliard d’euros. Il y a un rapport de 5,5 entre ce qui est cotisé et ce qui est versé, c’est donc le système d’assurance chômage le plus généreux qui existe en France", argumente-t-elle.

Dans un contexte d’austérité généralisée, "demander aux intermittents de faire un effort de 100 millions sur 1 milliard de déficit, ce n’est donc finalement pas énorme", estime la directrice de l’Ifrap. D’autant que les autres professions aux contrats précaires, et qui perçoivent plus d’indemnités qu’elles ne cotisent, ne sont pas autant avantagées : "quand on regarde le régime des intérimaires ou le régime des CDD (…), c’est plutôt un rapport de 1 à 3 qu’un rapport de 1 à 5". 

D’autres font plus d’efforts. Agnès Verdier-Molinier estime que le mouvement de grogne des intermittents est d’autant plus injustifié que d’autres catégories dont déjà consenti des efforts plus importants sans descendre dans la rue. "Les cadres cotisent 39% de l’ensemble des cotisation mais on ne leur verse que 18%. Et on leur a demandé un énorme effort, une espèce de franchise pour ceux qui ont des indemnités de ruptures importantes au moment du licenciement. Et là il n’y a eu personne dans la rue pour dire ‘c’est scandaleux’", rappelle-t-elle, avant de souligner que "des efforts sont demandés à tout le monde".

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"Les fonctionnaires eux-mêmes ne veulent pas être solidaires des intermittents". Si le conflit en cours est très spécifique, il renvoie à "une question qui est beaucoup plus globale, qui est la position des syndicats par rapport à l’équité des cotisations entre les différentes professions et entre le public et le privé", souligne Agnès Verdier-Molinier.

"Pourquoi les gens qui sont en CDI devraient être solidaires des intermittents du spectacle quand les agents du publics ne cotisent, eux, que 1% de solidarité. Pourquoi les salariés du privé doivent être solidaires entre eux alors que les salariés du publics disent ‘on ne peut pas être au chômage et donc on n’est pas solidaires des intermittents du spectacle’", poursuit le directrice de l’Ifrap. Avant de conclure : "il y a donc toute une question à se poser parce que ce sont les mêmes syndicats qui défendent le statut de la Fonction publique". 

Au fait, à quoi ressemble le statut des intermittents ? Parce que leur métier est instable par définition et qu’ils enchaînent le plus souvent des missions à court terme, les intermittents bénéficient d’un régime spécifique. Pour pouvoir recevoir des indemnités chômage, ils doivent travailler au moins 507 heures (soit trois mois et une semaine au rythme de 35 heures par semaine) sur dix mois. Soit beaucoup moins que les autres travailleurs mais, en contrepartie de cet avantage, ils cotisent deux fois plus lorsqu’ils travaillent. Ce qui ne suffit pourtant pas à équilibrer les comptes de leur régime spécifique. La réforme à venir prévoit donc d’augmenter leurs cotisations et d’instaurer un différé, c’est-à-dire un délai rallongé avant de pouvoir avoir accès aux allocations chômage.

Retrouvez l'intégralité de l'interview d'Agnès Verdier-Molinier :

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