La Réception

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Parfois, on peut légitimement se demander si les temps modernes ne nous forcent pas à marcher sur la tête, figurant la vision enfantine de l’Australien aux antipodes. Quelqu’un peut-il m’expliquer comment l’entrée d’un appartement a-t-elle pu se transformer, par la grâce d’un vendeur zélote, en « belle réception » ? Toutsurlimmo.com, qui traque l’abus de langage, en est tout retourné…

Parfois, on peut légitimement se demander si les temps modernes ne nous forcent pas à marcher sur la tête, figurant la vision enfantine de l’Australien aux antipodes. Quelqu’un peut-il m’expliquer comment l’entrée d’un appartement a-t-elle pu se transformer, par la grâce d’un vendeur zélote, en « belle réception » ? Toutsurlimmo.com, qui traque l’abus de langage, en est tout retourné…

 

 

A l’origine, la réception décrit l’accueil des voyageurs chez les Bénédictins ; et ce, depuis le XIIe siècle. Ce qui participe d’une certaine logique, le vocable étant issu du latin receptio qui marque l’action de recevoir. Puis, par extension, la réception définit toute cérémonie par laquelle une personne est officiellement accueillie. Voilà qui a le mérite d’être explicite et ne souffre aucune contestation. Alors, de l’entrée au vestibule, de l’antichambre à la réception, comment l’approximation a-t-elle pu s’immiscer dans notre langage courant ? Ce que nous allons découvrir en détaillant ces vocables.

 

 

 

Le vestibule.

 

Je vous épargnerai ici la description anatomique de l’oreille interne qu’on appelle le vestibule pour me concentrer sur la pièce d’entrée d’une construction immobilière. Directement emprunté au latin vestibulum (entrée ou seuil d’un habitat, si j’en crois mon bon vieux Gaffiot), le vestibule apparaît dans la langue française dès le bas Moyen Age et demeure réservé aux édifices publics ou religieux. Il décrit ainsi la salle, plus ou moins spacieuse, qui donne accès aux autres pièces du bâtiment et qu’on appelle parfois narthex ou propylée. Mais fi de ces termes affectés et résumons-nous : un vestibule constitue l’entrée d’un appartement, d’une maison. Même si on l’emploie au sens figuré pour indiquer quelque chose qui précède ou qui mène à une autre chose (Au vestibule de l’Enfer loge la lâcheté, nous prévient Dante).

 

 

 

L’antichambre.

 

Dérivé de l’italien « anticamera », lui-même issu du latin, l’antichambre constitue a priori un parfait synonyme d’entrée. Si ce n’est que, dans les usages séculaires, il s’agissait d’une sorte de sas entre l’entrée et les autres pièces où l’on faisait patienter les visiteurs, préfiguration de la salle d’attente du dentiste ou de l’avocat. Pour l’anecdote, sachez que jusqu’au siècle dernier, on parlait également de l’antichambre pour désigner l’ensemble des domestiques d’une maison. Classieux, non ?

 

Mais le sens figuré a aujourd’hui pris le pas et il ne viendrait à quiconque l’idée d’utiliser ce vocable dans le descriptif de son bien immobilier ; voilà qui ferait collet monté. En revanche, il peut décrire de façon imagée ce qui précède un événement ; comme l’écrit Dumas, dans Le Comte de Monte-Cristo : « La vie est une halte dans l’antichambre de la mort ». C’est beau comme dans un livre…

 

Evidemment, nos institutions, gardiennes de la désuétude, ont su conserver la locution « faire antichambre », c’est-à-dire attendre avant d’être reçu par la personne que l’on vient voir, dans un cabinet ministériel par exemple.

 

 

 

L’entrée.

 

Je n’étonnerai personne en indiquant que ce vocable, l’ouverture par laquelle on s’introduit dans une maison (qui peut être une entrée de service réservée aux domestiques ou l’entrée principale) est directement emprunté au latin classique intro (entrer dans, pénétrer dans). On disait aussi « entrance », en moyen français, dès le début du XIVe siècle, un mot qu’utilisent encore aujourd’hui les anglophones pour désigner la porte d’entrée. Un emprunt compréhensible quand on sait que le français fut le langage officiel de l’Angleterre pendant près de trois siècles ( de 1066 à 1362), ce qui explique les nombreuses interpénétrations entre les deux langues (mais qui n’a rien à voir avec le french kiss…).

 

Mais abandonnons la Perfide Albion pour revenir à nos moutons et préciser, s’il était encore besoin, que l’entrée constitue bien la première pièce d’accueil d’un logement, sorte de sas qui sépare la porte des pièces habitables de la maison.

 

 

 

Accusons réception.

 

Nous avons vu, plus haut, la définition et l’étymologie du mot « réception », l’acte de recevoir quelqu’un. Alors, en parlant de réception quand il s’agit d’une entrée, voire d’un vestibule, ce n’est plus une extension sémantique, ni même un abus de langage, mais le délire emphatique d’un esprit embrumé par les vapeurs de substances interdites. Ou bien, notre rédacteur d’annonce , en précisant « appartement 130 mètres carrés, belle réception… » souhaite-t-il nous signifier qu’il organisera une cérémonie pour notre visite, avec petits fours et canapés d’usage ? Hum, j’en doute…