La Chambre : espace intérieur libéré par la fermeture de la fenêtre

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Pensons aux fenêtres sans rideaux des maisons hollandaises. Elles semblent nous inviter, de jour comme de nuit, à regarder à l’intérieur. Et comment résister ?

Pensons aux fenêtres sans rideaux des maisons hollandaises. Elles semblent nous inviter, de jour comme de nuit, à regarder à l’intérieur. Et comment résister ?

 

 

 

DES REGARDS QUI SE CROISENT

 

Nous jetons un œil en passant et nous voyons des intérieurs parfaitement tenus, Monsieur lisant le journal ou Madame regardant la télévision en tricotant. Ils ne craignent donc pas le regard de l’étranger ? Ou bien se montrent-ils simplement parce qu’ils n’ont « rien à cacher » ? Serait-ce qu’ils mettent leur confiance en vous, le passant et l’étranger, pour que vous détourniez spontanément et discrètement les yeux ? Comptent-ils sur vos bonnes manières ? Ou biens vous invitent-ils subtilement à entrer, par le regard, chez eux ? Sont-ils à ce point insensibles au caractère intrusif d’un regard qui pourrait évaluer, à partir du dehors, leur intérieur ?

 

 

La réponse à ces questions se trouve sans doute dans une tradition religieuse de vie de la maisonnée qui peut être montrée au passant parce qu’elle est simple et sobre ainsi que dans une tradition culturelle de vie de village où « tout le monde se connaît » et où se montrer prouve qu’on est « comme tout le monde ». Rien à cacher, donc, du moins au salon, soit le lieu le plus « public » d’un intérieur privé et le lieu qui, de toutes façons, est montré à tous les visiteurs.

 

Car les fenêtres de la chambre à coucher sont, elles, voilées de rideaux et ne sont pas visibles de la rue. En ce sens, ces fenêtres qui laissent voir le salon ne suppriment pas l’intimité du chez-soi. Elles la nuancent et la rendent plus subtile. Sans doute Monsieur et Madame ne tiendront-ils pas une conversation animée ou ne se lanceront-ils pas dans une querelle au salon. Ils iront ailleurs dans la maison. L’intimité, trop exposée, se déplace. Elle va se cacher ailleurs.

 

Pensons à présent aux rideaux, tentures, persiennes et jalousies, qui empêchent d’être vus de l’extérieur et, tout à la fois, permettent de voir dehors en se cachant.Tant d’images nous viennent alors à l’esprit.

Une commère épiant derrière son rideau les allers et venues de la rue, collectant mille informations minutieuses, et pour laquelle la vie du village ou du quartier sont devenus des sources de pouvoir obscur.

Un vieil amoureux qui, au théâtre et dans les romans, veut soustraire sa jeune femme aux courtisans potentiels et qui voit donc dans la fenêtre une issue par laquelle les dangers de la rue peuvent pénétrer.

Une tradition qui veut que les femmes vivent entre elles, enfermées et soustraites aux regards masculins étrangers car, pour elle, chaque regard qui pénètre l’intérieur domestique est indiscret, intrusif, voire une violation.

Un huis clos entre un époux violent et sa victime qui se poursuit impunément.

La solitude d’un vieillard assis, jour après jour, à sa fenêtre, regardant dehors sans être vu et pour lequel la vie est devenue un spectacle.

Ou, comme dans un fameux film américain, un observateur coincé dans son fauteuil par une jambe cassée qui surveille les ombres derrière « la fenêtre d’en face » et qui imagine un drame affreux.

On tire les rideaux pour se promener en petite tenue chez soi ou pour prendre un moment de repos bien au chaud dans son fauteuil alors que la pluie frappe au carreau.

 

 

Tous ces exemples parlent d’un espace domestique et intérieur libéré par la fermeture de la fenêtre. Cette liberté se vit pour le meilleur et pour le pire. C’est ainsi que nous hésitons beaucoup, tant nous respectons aujourd’hui cette liberté, à intervenir, par exemple auprès d’un voisin très solitaire ou d’un couple violent. Car si voir par la fenêtre est, depuis la Renaissance, une activité qui a très longtemps permis la participation à la vie de la rue et qui est devenue pour nous une évidence, empêcher la rue et ses passants de voir chez nous nous est devenu indispensable. Le droit de soustraire une part de notre vie intime au regard d’autrui fait de nos jours intégralement partie de notre conception du monde. Au risque d’en sacrifier les victimes, une fenêtre fermée nous protège des regards des autres et nous conforte dans notre sentiment que nous avons bien le droit d’avoir la paix chez nous. D’ailleurs, ce que nous y faisons « ne regarde personne » !

 

Nous sommes loin de la conception de la rue et de son animation comme spectacle divertissant, conception qui a conduit très longtemps et jusqu’aux premières décennies du XXème siècle, à préférer les chambres donnant sur la rue, en dépit de de ses nuisances et de ses dangers. Nous préférons que nos fenêtres puissent se fermer sur la rue, pour notre confort, notre paix domestique et notre sécurité. D’ailleurs, avec leurs voilages, leurs doubles rideaux, leurs drapés et leurs passementeries, ne sont-elles pas bien loin du « trou dans le mur qui laisse pénétrer l’air » et bien plus près de composer un tableau ?

 

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