L'hypothèque, une antichrèse singulière.

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Difficile d’aborder les subtilités lexicales du nantissement sans prendre le risque d’ennuyer le chaland. Et pourtant, revisiter l’histoire de l’hypothèque, du gage et de l’antichrèse réserve quelques surprises, le précepte ne datant pas d’hier. En constatant au passage que le jargon juridique semble bien s’encombrer de difficultés inutiles.

Difficile d’aborder les subtilités lexicales du nantissement sans prendre le risque d’ennuyer le chaland. Et pourtant, revisiter l’histoire de l’hypothèque, du gage et de l’antichrèse réserve quelques surprises, le précepte ne datant pas d’hier. En constatant au passage que le jargon juridique semble bien s’encombrer de difficultés inutiles.

 

 

Car le vocable hypothèque nous est parvenu via le latin hypotheca, de même sens, lui-même emprunté au grec hypothéké qui désignait un gage. Ce qui conduit à deux commentaires. Qu’il semblait superfétatoire d’inventer un mot aussi compliqué pour une chose finalement si simple d’une part ; que ce principe de nantissement protecteur d’une dette était connu et chez les Grecs, et chez les Romains, d’autre part. Ce qui mérite bien un petit détour historique.

 

 

 

Une invention hellène.

 

Sans entrer dans les méandres des lois et coutumes, on peut toutefois relever que les Grecs, confrontés à la garantie, à la sûreté, d’un prêt ou d’un engagement quelconque, usaient d’un système sinon fiable, au moins rassurant. Ainsi, avec l’hypothèque, le débiteur conservait-il ses biens immobiliers, leur jouissance, mais devait les déclarer engagés à l’aide de brandons, des bâtons garnis de paille plantés aux extrémités du bien, voire d’étoffes ou de marques quelconques; il brandonnait alors son bien. Avantage certain du procédé, il ne pouvait hypothéquer à nouveau son bien en trompant un nouveau prêteur. Un usage qui s’est d’ailleurs poursuivi en France, au Moyen-Age, mais uniquement en cas de saisie judiciaire.

 

 

 

 

 

 

Le droit romain s'en inspire

Les Romains reprirent évidemment le système en l’améliorant quelque peu, mais le principe demeurait, comme il l’est encore aujourd’hui : le bien est gagé mais l’emprunteur peut en jouir à son gré tant qu’il rembourse, c’est une hypothèque. Ou bien il ne pourra prendre possession du bien qu’une fois la dette intégralement payée, il s’agit d’une antichrèse.

 

En France, au sortir du Moyen-Age, il apparut que ces principes d’hypothèques non brandonnées présentaient l’inconvénient majeur de se faire sous-seing privé et qu’un éventuel prêteur n’avait guère le moyen de vérifier si le bien proposé en garantie par l’emprunteur n’était pas déjà hypothéqué. De la même façon, il s’avérait parfois difficile de prouver que l’hypothèque était purgée (on dit aujourd’hui levée) en dépit d’un édit de 1581 qui établissait des registres spéciaux destinés aux créances hypothécaires, hélas jamais suivi d’effet.

 

 

 

Un bureau d’enregistrement.

 

Il fallut attendre le siècle suivant pour que se mette en place, peu à peu, ce qu’on appellerait aujourd’hui un bureau des hypothèques, notamment en procédant au contrôle des actes des notaires. Ce qui amena une plus grande souplesse au système, et une sûreté étendue, même si les escrocs patentés, stellionataires récidivistes, ne se privèrent pas de contourner la loi. Bref, il fallut le Code Napoléon pour que la législation fixât les modalités et la surveillance des hypothèques aujourd’hui réduites à trois : légale, conventionnelle, judiciaire.

 

 

 

 

 

Le gage.

 

Même si notre langage courant ne l’utilise que pour les biens immobiliers, ne croyez pas un seul instant qu’on ne puisse pas hypothéquer un bien meuble, à savoir votre voiture, les bijoux de belle-maman, mais aussi des actions, des droits d’auteur… Ce qu’on appelle une hypothèque mobilière avec dépossession et que l’homme ordinaire qualifiera simplement de gage. Où l’on retrouve le principe de l’antichrèse puisque dans ces deux cas, c’est le créancier qui détient le bien mis en garantie, même si dans le cas du gage, il ne tire pas profit de cette possession.

 

D’ailleurs Littré, dans son dictionnaire, indique que gage et antichrèse sont identiques si ce n’est que le gage constituerait un nantissement d’une chose mobilière, et l’antichrèse celui d’un bien immobilier. Pas sûr que les hommes de robe en conviennent puisque l’article 2072 du Code civil qui le stipulait a été abrogé par ordonnance en 2006. Mais l’usage populaire n’en a pas forcément tenu compte !

 

 

 

 

 

Le mort-gage.

 

A ce propos, on notera que la langue française, et le droit, distinguent le bien gagé qui produit des ressources (un champ de patates, par exemple). Si le créancier déduit ces bénéfices de la somme due en capital, il s’agit d’un vif-gage ; dans le cas contraire, on parle de gage-mort ou de mort-gage. Un distinguo qu’on ne retrouve pas dans la langue anglaise puisque mortgage signifie tout simplement… hypothèque.

 

 

Une vraie gageure.

 

Pour l’anecdote, la gageure, à l’origine, est une promesse que se font deux personnes de payer ce qui est dû, puis, par métonymie, l’objet gagé lui-même. Evidemment, aujourd’hui, cette acception n’est plus usitée et le vocable désigne plutôt un défi : Ecrire cet article fut une vraie gageure. Et profitons de l’instant pour rappeler que gageure se prononce « gajure » et non « gajeure » !

 

 

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