Impôt à la source : comment ces pays y sont arrivés

L'impôt à la source verra-t-il le jour avant la fin du quinquennat ? Selon les informations d'Europe 1, François Hollande a demandé aux députés de la commission des Finances de plancher sur une réforme en ce sens.
L'impôt à la source verra-t-il le jour avant la fin du quinquennat ? Selon les informations d'Europe 1, François Hollande a demandé aux députés de la commission des Finances de plancher sur une réforme en ce sens. © MaxPPP
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Prélever l'impôt sur le revenu, directement sur le revenu, l'exécutif y pense. Beaucoup de pays ont réussi cette transition. Oui, mais comment ?

Tous les contribuables français y passent. Entre la fin du printemps et le début de l'été, il faut remplir sa déclaration d'impôts sur le revenu, en ligne ou sur papier. Salaires, intérêts, recettes immobilières… Tous les revenus de l'année précédente sont à noter scrupuleusement. Et les impôts sont à payer, d'un coup ou presque, quelques mois plus tard. Ce laborieux système, la France le partage avec la Suisse et Singapour, seuls pays de l'OCDE à avoir un système dit "déclaratif". Pour les autres ? Le prélèvement est " à la source", c'est-à-dire ponctionné directement sur le revenu.

Le Canada en 1917, l’Allemagne en 1925, les Pays-Bas en 1941, les Etats-Unis en 1943, le Royaume-Uni en 1944 et plus récemment en 1970 pour le Danemark ou en 1979 pour l’Espagne… Presque tous les pays développés s'y sont convertis. Et la France pourrait leur emboîter le pas dès la fin du quinquennat. Selon les informations d'Europe 1, François Hollande a demandé aux députés de la commission des Finances de plancher sur une réforme en ce sens. Évoqué par l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault il y a un an, le sujet était pourtant resté dans les cartons depuis son départ fin mars. Et pour cause : si la mesure est populaire, elle n'est pas facile à mettre en œuvre.

>> Comment les autres pays ont-ils réussi à franchir le cap ? Décryptage.

Le prélèvement à la source, des difficultés…   Le dispositif comporte de nombreux avantages. Il permet d'éviter d'économiser pour payer tout d'un coup en fin d'année. Et surtout, la différence, c'est que l'impôt n'est pas calculé sur les revenus de l'année précédente, mais sur ceux de l'année en cours. C’est un sérieux avantage, puisque vous évitez de payer des impôts complètement déconnectés de votre situation financière actuelle.

Mais il reste difficile à mettre en œuvre. Car il faut gérer le passage d’un système à l’autre. Imaginons que la réforme entre en vigueur en 2016. L'impôt sera prélevé directement sur les revenus de cette année. Mais l'année 2015 n'aura donc jamais été prise en compte. Ce qui soulève de nombreux problèmes. Si la moyenne des revenus de 2015, par exemple, aura été supérieure à celle de 2016, l’État perdrait des milliards d'euros de recettes. En outre, comment dédommager ceux qui avaient le droit à une déduction d'impôts l'année précédente ? Selon Bercy, cela coûterait entre 5 et 10 milliards d'euros à l’État.

… Que ces pays ont réussi à surmonter. Face à ces difficultés, il y a deux écoles. Celle du "lissage", par exemple. En clair, le paiement de l'impôt de l'année abandonnée, dite "année blanche", s'étalerait dans le temps. Au Royaume-Uni, par exemple, le prélèvement à la source est intervenu en 1944. Et le paiement des impôts de l'année 1943 a été étalé sur 36 mois. Idem aux Pays-Bas, où le "lissage" a été étalé sur cinq ans.

L'autre école, c'est celle de l'abandon pur et simple de l'année blanche. Au Danemark, par exemple, les revenus de l'année 1969 n'ont pas du tout été imposés. En Nouvelle Zélande, également, l'année 1958 a été abandonnée. Mais une Haute autorité a été crée pour corriger les abus (pour imposer ceux qui ont vraiment beaucoup gagné en 1958 par rapport à 1959 par exemple, ou pour dédommager ceux qui ont beaucoup perdu en crédit d'impôts).  

Une question de volonté… et de période ? "Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu est une question de volonté politique", résumait récemment sur Europe 1 l'économiste Thomas Piketty.  Et la volonté politique est souvent aidée par le contexte politique. "Pour nombre de pays, la réforme est intervenue pendant une période de guerre, ou lors d’un changement politique de grande ampleur", décryptait en 2012 la Cour des comptes dans un rapport. La crise, le ras-le-bol fiscal et l'impopularité record de François Hollande seront peut-être des éléments d'assez grande ampleur pour convaincre la majorité actuelle d'aller jusqu'au bout.