Hospitalité, mode d'emploi (4)

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L’un accueille et se met au service de l’autre. Qui doit se soumettre aux règles de la maison. Le mode d’emploi de l’hospitalité est complexe et subtil. Il faut pourtant le suivre pour choisir la paix plutôt que la guerre.

L’un accueille et se met au service de l’autre. Qui doit se soumettre aux règles de la maison. Le mode d’emploi de l’hospitalité est complexe et subtil. Il faut pourtant le suivre pour choisir la paix plutôt que la guerre.

 

 

 

 

 

Avec plaisir et à votre service …

 

Avec un hôte généreux qui se donne librement l’obligation d’accueillir chez lui un ami, un familier ou un étranger de passage, tout se passe-t-il sans peine ? Hélas non. Ou plutôt si … mais à condition que …Pour vous et moi, le partage de notre maison suscite bien des tensions intimes qui exigent d’être dominées. C’est notre territoire qui est en jeu, comme est en jeu notre position de maître et de maîtresse des lieux ! Autant de tensions chez l’invité. Voilà qu’on l’invite à se sentir à l’aise chez autrui alors qu’il sait pertinemment qu’il ferait mieux, sinon de marcher sur des œufs, du moins de se comporter avec retenue et discrétion ! Quelle est, au fond, la situation ?

 

L’un est sincèrement accueillant et généreux. Parfois, il maîtrise ses anxiétés face à cet invité qui prend pied chez lui au point de nier toute inquiétude et de se dire heureux et ravi de la visite. Dans certains cas, il confie même « tout » à son invité sous la forme, combien symbolique, de la clé de la maison. Et il se met en quatre pour lui. Lui faire, s’il séjourne chez lui pour un ou quelques jours, un lit parfois avec les plus jolis draps de la maison. Lui décerner des serviettes assorties incluant celle dite, justement, d’invité. Lui montrer comment fonctionne la douche. S’excuser du filet froid qui coule du robinet qui devait être réparé depuis des lustres. Lui préparer le plan de la ville ; se mettre à sa disposition pour une visite guidée. L’inviter à se servir dans le frigo à sa guise. Et s’il est là pour le dîner, sortir la nappe des grands jours. Ou simplement laisser de côté le saladier ébréché et les couverts dépareillés et soigner quelque peu le repas.

 

 

 

Mais à ma façon

 

L’accueillant est au service de son invité. C’est à ce prix qu’il est hospitalier. Mais il s’attend à ce que son invité se soumette en retour aux usages de sa maison et à une série de règles dites de courtoisie qui sont non seulement nombreuses, mais aussi subtiles et implicites. Ces règles concernent les grandes et les petites choses domestiques. À y réfléchir, elles concernent à peu près tout ce qui se passe chez lui !

 

Qui accepterait de voir, par exemple, un invité se mêler d’un différend conjugal ? Qui supporterait qu’il gronde les enfants de la famille ? Qu’il déplace, sous votre nez, les objets du salon sous prétexte qu’ils seront mieux mis en valeur ? Et qu’il ne respecte ni vos efforts pour le servir ni votre façon de vivre chez vous ? Il arrive après l’heure fixée du dîner que vous avez longuement préparé en vue de le partager avec lui. Il va se servir sans permission dans la marmite laissée sur le feu, ce qui, vraiment, vous dérange. Il dîne seul et il ressort en laissant sa vaisselle dans votre évier. Vous avez pratiquement condamné votre jardin. Il s’y installe, vous « obligeant » à en nettoyer le mobilier… Vous aimez vos rideaux tirés et la pénombre, il ouvre grand persiennes et baies vitrées …

 

L’accueillant, qui est au service de l’invité, exige en même temps beaucoup de lui. Et tout d’abord, que l’invité respecte une hiérarchie qui établit l’accueillant comme seul maître de sa maison, en tout temps et surtout lorsqu’il sert son invité. Car c’est dans ces moments que l’accueillant craint d’être exploité par l’invité. Il a besoin de sentir qu’il ne l’est pas. Parfois, il édicte explicitement les usages de sa maison pour que l’invité non seulement s’y conforme mais connaisse les libertés qui lui sont autorisées et celles qui ne lui sont pas permises. Lorsque l’accueillant ne dit rien, il s’attend néanmoins à ce que sa façon de vivre chez lui soit la seule référence pour l’invité.

 

 

 

Ravi, à l’aise mais prisonnier

 

Et l’autre ? Il est heureux d’être invité. Il en est même reconnaissant. D’ailleurs, il ne vient pas les mains vides. Fleurs, chocolats, ou divers autres cadeaux marquent cette reconnaissance et sont autant d’offrandes de paix, déposées entre les mains des hôtes dès le vestibule. À partir de là, l’invité se sert de sa sa boussole sociale. Il se comporte selon les règles de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas lorsqu’on n’est pas chez soi. Il fait son lit, range ses affaires, aide à débarrasser la table, ou se retire discrètement quand un conflit se profile à l’horizon.

 

Il réfléchit aussi beaucoup. Car certaines situations exigent de naviguer dans l’univers de la courtoisie, entre ces deux univers de règles. Il doit recourir à sa boussole personnelle et faire jouer le tact et la délicatesse. Faut-il demander la permission de réparer un robinet qui flanche et fait courir le risque du dégât d’eau ? Aïe, il a trébuché dans la délicate table de verre du salon qui est maintenant en miettes ! Comment s’excuser ? Faut-il répondre au téléphone de la maison ? Tiens, peut-être serait-il plus discret de sonner à la porte de la maison avant d’utiliser la clé qui vous a été remise ?

 

Et il se sait contraint. Oui, le maître de maison lui a dit de « rester tant qu’il voudra ». Mais il sait qu’il doit partir vite ! Il voit bien qu’il est bien accueilli. Mais il doit demander la permission pour accomplir cent petits gestes la vie de tous les jours. Et que de savantes acrobaties dans la maison, qui devient un territoire psychologiquement miné ! Savoir quand utiliser la salle de bains sans gêner les maîtres de maison. Ne sortir de sa chambre que lorsque tous les enfants sont partis pour l’école et que la cuisine est libre. S’installer au salon sans toucher à rien. Ne pas s’affaler sur le canapé et monopoliser coussin, couverture et télécommande. Ne pas ouvrir placards et tiroirs et, encore moins, y puiser une jupe ou des chaussettes, ne serait-ce que pour la journée.

 

 

Toutes ces stratégies sont territoriales. Elles garantissent que l’hospitalité n’évolue pas vers le conflit larvé. Ou ne se termine abruptement avec des mises à la porte avec plus ou moins de pertes et de fracas. Que l’invité se dise qu’il peut se laisser aller à une razzia sur la pizza surgelée ou qu’il déclare qu’il en a assez de manger tous les soirs à 20 heures piles et on se fâche vraiment, parfois pour fort longtemps.

 

Que l’un décrète qu’il s’en retourne chez lui sans faire son lit ni sa vaisselle et se dise que « ce n’est pas la fin du monde, cette vaisselle qui traîne. Et ils ont un lave-vaisselle, les veinards. Je suis invité, pas domestique » et l’’autre, obligé d’assumer le nettoyage du sale de l’autre, n’en finit plus de se sentir insulté et humilié dans sa propre maison. L’agressivité de l’invité répond à l’anxiété de l’accueillant et c’est invivable.

 

Découvrez les 6 autres chapitres de ce sujet.

L'hospitalité, tout le monde sait et ne sait pas ce que c'est (1)

L'hospitalité, c'est sacré (2)

L'hospitalité au sens courant, hier et aujourd'hui (3)

L'hospitalité : l'accueillant et l'accueilli (5)

L'hospitalité : ne faites pas comme chez vous (6)

L'hospitalité : Liberté, Egalité, Fraternité (7)

 

 

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