"Exit tax" : des premiers chiffres inquiétants

Environ 1,4 milliard d'euros de plus-values latentes ont été déclarées au titre de l'"exit tax" par 128 contribuables français ayant quitté le territoire en 2011, rapporte vendredi le quotidien Les Echos.
Environ 1,4 milliard d'euros de plus-values latentes ont été déclarées au titre de l'"exit tax" par 128 contribuables français ayant quitté le territoire en 2011, rapporte vendredi le quotidien Les Echos. © MAXPPP
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L'État a recensé 128 départs en 2011, ce qui pourrait représenter une fuite de 1,4 milliard.

L'INFO. Avant Gérard Depardieu, combien de grosses fortunes ont-elles quitté la France en 2011? Les chiffres révélés vendredi par Les Echos en donnent un aperçu. Et permettent de se faire un début d'idée de l'efficacité de la mesure lancée par l'ancienne ministre du Budget, Valérie Pecresse, pour lutter contre l'exil fiscal : la bien nommée "exit tax". Selon le quotidien économique, le nombre de déclarations de départ s'est élevé à 128, au titre des départs en 2011, pour un montant total déclaré de 1,4 milliard d'euros.

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• L'"exit  tax", c'est quoi déjà ? L'"exit tax" vise à imposer les capitaux des contribuables aisés cherchant à s'expatrier pour échapper à l'impôt en France. Elle touche les ménages français qui disposent d'une participation dans une entreprise, directe où indirecte, supérieure à 1,3 million d'euros. Les chefs d'entreprise sont donc concernés, mais aussi les détenteurs de gros portefeuilles de titres. La taxe est "calculée" sur la plus-value potentielle, dite "latente", que pourrait faire l'exilé au moment de son départ si jamais il vend un jour son patrimoine. Mais elle n'est "prélevée" qu'au moment où il vend effectivement son bien (s'il ne vend pas, ce patrimoine continue d'être taxé en France, ce n'est donc pas vraiment un exil fiscal). Son taux : 19 %, plus 13,5% de prélèvement sociaux (12% en 2011).

• Un exemple fictif, avec Depardieu bien sûr. Imaginons que Gérard Depardieu ait investi un million d'euros dans des entreprises viticoles françaises il y a quelques années. Et qu'aujourd'hui, elles en vaudraient 50% de plus, soit 1,5 million. La taxe ne s'appliquerait que sur les 500 000 euros de plus-values, et l'acteur en cours d'exil ne devrait payer que s'il vendait effectivement ses vignobles. De plus, s'il attendait huit ans avant de les vendre, la taxe ne s'appliquerait plus.

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• Un montant conséquent… susceptible d'évoluer. Même si le nombre d'exilés est relativement faible (128 en 2011) pour ce premier bilan, le montant des plus-values déclarées (1,4 milliard) est énorme. Autant de capitaux qui risquent de fuir la France si les exilés vendent effectivement leurs participations pour aller les mettre dans un pays... fiscalement plus accueillant. En guise d'explication à ce montant mirobolant, selon Jean-Yves Mercier, avocat spécialiste chez CMS Bureau Francis Lefebvre cité par Les Echos, il faut rappeler que "2011 est l'année de la suppression du bouclier fiscal", susceptible de faire fuir les plus grosses fortunes. Et les chiffres vont probablement encore grossir, avec la revalorisation de l'ISF décidée par la nouvelle majorité ou la perspective d'une taxe à 75% qui pourrait donner des envies d'évasion. D'autant que les déclarations faites au titre de 2011 ne se sont étalées que sur neuf mois, puisque la taxe n'est entrée en vigueur qu'en mars.

• Alors, efficace ou pas l'"exit tax" ? Il est difficile de mesurer si ce dispositif a réellement freiné l'exil des gros capitaux, car ces "plus value-latentes" pour les participations sont recensées pour la première fois. De plus, les chiffres de contribuables assujettis à l'ISF (impôt qui touche aussi les biens immobiliers) qui ont quitté le pays en 2011 ne seront connus que fin 2013. Or, il s'agit du seul moyen d'évaluer l'exil fiscal avec un tant soit peu de précision. Ce que l'on sait déjà par contre, c'est que l'"exit tax" va rapporter moins que prévu par le précédent gouvernement. L’État attend un rendement de 53 millions en 2012, et 62 millions en 2013, contre près de 190 millions annuels espérés par Valérie Pécresse. Difficile d'anticiper, en effet, les recettes longtemps à l'avance, puisque la taxe est prélevée lors de la revente des titres et non lors du départ du contribuable.