Dette publique : "On va dans le mur"

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INTERVIEW - Martin Malvy, ministre (PS) du Budget en 1992-93, explique en quoi la dette publique devient réellement problématique.

Europe1.fr : Voilà trente ans que la France semble s’accommoder d’une dette publique en constante augmentation. Pourquoi faudrait-il s’inquiéter aujourd’hui plus qu’hier ?
Martin Malvy : Qu’un pays s’endette pour s’équiper d’infrastructures et assurer son développement, c’est dans la logique des choses. C’est normal d’emprunter à long terme, pour ne pas faire subir le coût à une seule génération, s’il s’agit de financer des lignes à grande vitesse, d’investir dans la recherche ou de consolider le tissu industriel. Aujourd’hui, ce qui pose problème, ce n’est pas le principe de la dette, c’est la masse de la dette.

Quel serait le niveau acceptable pour la dette ?
40% ou 50% du PIB, ce serait raisonnable. Aujourd’hui, avoir une dette à 80%, c’est irresponsable. C’est un dérapage dramatique, on va dans le mur. On ne peut pas imaginer que ce sera sans coût pour le contribuable. La dette d’un pays doit être saine et limitée. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Pourquoi ?
Parce qu'aujourd’hui, le gouvernement est dans la position d’un ménage qui emprunterait, non pour acquérir un logement, mais pour payer sa facture d’électricité. Or, l’endettement pour investir et enrichir le pays est différent de l’endettement pour les dépenses de fonctionnement. Actuellement, notre dette ne sert qu’à compenser une baisse des recettes de l’Etat. Et puisqu’il faut en permanence rembourser les intérêts de la dette, l’Etat doit ponctionner sur ses recettes budgétaires, et s’affaiblit. C’est un cercle vicieux.

Quelle conséquence une dette durablement élevée aurait-elle ?
Le risque, c’est de voir la France perdre son crédit et sa respectabilité. La confiance en la France risque de s’éroder et le pays risque d’avoir du mal à obtenir des crédits. Certains pays ne peuvent plus emprunter. Comme un particulier qui souhaiterait emprunter de l’argent à la banque, sans rembourser son emprunt. Au bout d’un moment, la banque ne lui prêtera plus jamais d’argent. On va lui dire : « Monsieur, vous êtes gentils, mais vous n’avez pas les moyens d’emprunter. »

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