Ces maisons qui portent un nom (2)

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La famille prend l'initiative :Ce sont d’abord les villas des estivants qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, donnent le ton.

La famille prend l'initiative :

Ce sont d’abord les villas des estivants qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, donnent le ton.

 

 

 

 

 

 

 

 

S'identifier

 

Ces villas, qui pouvaient être identiques et se succéder sur un même front d’eau, sont appelées « chalets », terme qui désignait de petits abris de plage et non, selon le sens qu’on lui donne aujourd’hui, une maison de montagne ou forestière. On assiste alors à un renversement remarquable du rapport entre les noms de famille et la maison.

 

 

Autrefois, la famille tirait son patronyme du caractère distinctif et de situation de sa maison. On était connu, reconnu, identifié par rapport à sa maison et on portait le nom qui était attribué à sa maison.

 

 

A présent, ce sont les familles qui donnent leur propre nom à ces villas neuves sur le modèle, par exemple, de « Chalet Pelletier » ou « Chalet Verneuil ».

 

 

 

Mais la mode s’invite rapidement à ce jeu. L’époque est aux aventures coloniales et à l’exotisme, et bien des villas se voient dotées de noms qui évoquent l’Afrique ou l’Extrême-Orient. Les chalets « Les bambous » et « L’oasis » fleurissent ! L’usage de nommer sa maison se répand tout aussi vite.

 

 

Propriétaires de belles demeures, de domaines ou de petits pavillons à la lisière des villes se livrent au nouveau plaisir de s’exprimer librement. On voit se multiplier, jusqu’à la veille de la Seconde guerre mondiale, les maisons et villas aux prénoms de femme, évocateurs de rêves personnels, de paysages, de régions, d’aventures ou d’arts, etc.

 

 

L’engouement se fonde sur le fait que, dans bien des communes et, dans certains cas, jusqu’à une période relativement récente, le nom de la maison équivaut à son adresse. Dès que les communes établissent une numérotation, dans les années quarante ou soixante selon les cas, celle-ci devient la seule identification reconnue. Les noms donnés aux maisons deviennent une affaire personnelle et ils ne jouissent plus d’aucune reconnaissance officielle.

 

 

Une exception est cependant faite pour les maisons situées dans un lieu dit, qui, elles, peuvent prendre pour nom et pour adresse le nom du lieu dit.

 

 

 

 

 

 

 

 

Parler aux passants

 

Il n’est plus nécessaire de nommer sa maison. Mais si l’enthousiasme pour cette pratique n’est plus le même, l’usage reste répandu.

 

 

Certains, si l’on en juge par les échanges sur Internet, entre lecteurs de magazines, et entre auditeurs d’émissions radiophoniques, le trouvent désuet sinon franchement ringard !

 

 

D’autres restent émus par un pavillon qui s’appelle « Tu m’plais » ou « Mon château » …La tradition, affaiblie, reste encore bien vivante. C’est que le nom d’une maison suspend, un court instant, l’indifférence du passant. Il l’interpelle, suscite en lui des sentiments, des questions, des sourires et des étonnements éphémères qui donnent à son passage une qualité et une coloration nouvelles.

 

 

Chaque nom lu sur une façade ou un portillon est un micro évènement silencieux et fugitif. L’expérience est minuscule mais elle n’est pas insignifiante parce qu’il sait que c’est à lui que l’habitant s’adresse. Du secret de la maison émane un message qu’il lui revient d’interpréter. Ce message prend des formes infiniment variées et hybrides au point qu’il est devenu impossible de les catégoriser.

 

 

Tels noms de maison évoquent les ancêtres des habitants ou leurs êtres proches. Tels autres, comme « Le nid », « Le bercail » ou « Les bambins », parlent des conforts et des plaisirs de la vie de famille. Tant de noms divers font entrer dans autant d’univers : la musique – le célèbre Do Ré Mi est décliné de cents façons –la flore (« La roseraie ») et la faune (« Le goéland »), l’histoire, les contes de fées (pensons à « Cendrillon » ou au « Chat botté »), des origines régionales (que de « Villa Bretonne », de « Villa Normande » ou de « Mas de Provence ») du paysage ou des éléments avec, par exemple, « La brise » ou « L’Alizée » ou « Le Mistral » …

 

 

 

 

Sans compter les composites ! Les initiales des enfants qui forment un nouveau nom qui s’affiche sur la façade comme un code, intelligible pour la famille seulement et qui, pourtant, interpelle le passant et le laisse se perdre en conjectures ; les noms ironiques, ceux qui sont des jeux de mots, ceux qui expriment une apparente contradiction, ceux qui répondent à celui de la maison d’en face ou qui font série avec la maison d’à côté ; tous sont du même ordre : ils se livrent au jeu de la révélation de soi et du secret, ils montrent un goût du paradoxe humoristique, ils bâtissent un art modeste mais combien imaginatif et riche sur l’expression publique de sentiments et d’expériences privés.

 

 

Un patrimoine toponymique est ainsi constitué par les habitants eux-mêmes, pour le pur plaisir de communiquer. En somme, une forme d’art pour l’art qui se vit sans prétention.

 

 

 

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