Avec Montebourg, Keynes entre à Bercy

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Alexis Toulon
CAUTION SCIENTIFIQUE - Le ministre de l’Economie a créé un conseil d’économistes très "Montebourg compatible" pour l’aider dans sa mission.

A Bercy, il y a d’un côté les tenants de la rigueur, de l’autre ceux de la relance. Arnaud Montebourg appartient à la seconde. Il a créé un Conseil Indépendant pour la Croissance et le Plein Emploi dont la mission est de "nourrir l’action du gouvernement". Il est composé de prestigieux économistes internationaux qui partagent un trait commun avec le ministre de l’Economie : ce sont des keynésiens convaincus, opposants déclarés à la rigueur et défenseurs des politiques de relance et de régulation.

"Keynes pour les nuls". John Maynard Keynes a fondé un courant de pensé économique dans la première moitié du XXe siècle. L’économiste britannique estime que les marchés non régulés ne tendent pas naturellement vers le plein emploi et la croissance. L’Etat peut donc jouer un rôle pour soutenir l’économie, en jouant sur les déficits ou en imposant des règles aux marchés et aux entreprises. Le champ d’étude privilégié des keynésiens est le marché du travail et son déséquilibre, autrement dit le chômage.

Trois keynésiens à Bercy. Le Conseil Indépendant pour la Croissance et le Plein Emploi pourrait être le titre d’un cours d’économie keynésienne. Et les économistes nommés par Arnaud Montebourg pour y siéger sont des professeurs de haut-vol.

-          Jean-Paul Fitoussi, le président du Conseil, a notamment présidé l’Organisme français des conjonctures économiques (OFCE). Docteur en économie, il est spécialiste du marché du travail, de l’inflation et des politiques publiques. Son travail montre notamment les liens entre l’inflation et le chômage. Il affirme également que la politique est complémentaire des marchés et que les deux doivent être utilisés pour réduire le chômage.

-          Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie. Il s’est rendu célèbre avec ses recherches sur le marché du travail et notamment la notion de salaire d’efficience. Selon l’économiste, pour que l’économie se porte au mieux, il faut que le niveau des salaires soit supérieur à celui qui serait pratiqué si on laissait faire les marchés. En tirant les revenus vers le haut, les entreprises motivent leurs salariés à donner le meilleur d’eux-mêmes.   

-          Peter Bofinger est le seul keynésien du Conseil allemand des experts économiques. Il est également le père du Smic allemand voté au début du mois outre-Rhin. En effet, selon lui, un salaire minimum évite le dumping salarial et un temps plein assure un revenu suffisant pour vivre et consommer.

Des thèmes chers à Arnaud Montebourg. Avec ce comité, Arnaud Montebourg donne "une caution scientifique et médiatique" à son action, analyse Alain Guéry, directeur de recherche au CNRS. En effet, les trois économistes sont des pontes reconnus. Et lorsqu’il critique la BCE "qui ne respecte pas son mandat", qu’il défend la production de produits Made in France, Arnaud Montebourg s’inspire des idées développées par ces économistes. "La volonté d’un retour à une économie de la production (en opposition à l’économie de la finance, ndlr) défendue par Montebourg est présente dans les travaux de Joseph Stiglitz", assure à Europe1.fr, Alain Guéry. Et avec cette idée, le ministre de l’Economie n’innove en rien : "il fait exactement ce qui se fait ailleurs", sauf qu’il a choisi des économistes dont la pensée s’éloigne de l’orthodoxie actuelle, assure le chercheur.

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