35 heures : ce rapport de l'IGAS tenu secret

© JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
  • Copié
G.S.
Deux membres de l’Inspection générale des affaires sociales ont rédigé un rapport jamais paru, sur le lien entre réduction du temps de travail et création d'emplois.

Quelle place pour les "politiques d’aménagement [et de] réduction du temps de travail dans la lutte contre le chômage" ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre deux inspecteurs de l'IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales. Dans un rapport mystérieusement tenu secret, les deux agents soulignent qu'une réduction du temps de travail peut jouer sur les créations d'emplois, et que les 35 heures n'ont pas eu l'effet dévastateur qu'on leur prête parfois. Le hic ? Ce rapport, révélé lundi par Le Monde, n'est jamais paru.

350.000 postes en quatre ans. De quoi s'agit-il ? "D'une étude fouillée et prudente, qui parvient au constat que des dispositifs tels que les 35 heures, instaurées par les 'lois Aubry' de 1998 et 2000, peuvent, sous certaines conditions, contribuer à réduire le nombre de demandeurs d’emploi", lit-on sur le site du quotidien du soir. Le document indique notamment que ces lois ont permis la création de 350.000 postes entre 1998 et 2002. Le tout sans avoir impacté la compétitivité des entreprises.

"La France est l’un des pays qui a le mieux maîtrisé l’évolution de ses coûts [salariaux]", expliquent les deux inspecteurs. "Si la France a subi des pertes de parts de marché, (…) elles n’ont rien d’exceptionnel par rapport aux autres pays européens", excepté l’Allemagne, "et dans une moindre mesure", l’Espagne, lit-on encore. "Les politiques du temps de travail" peuvent ouvrir "des pistes d’amélioration (…) qui ne doivent pas être négligées", concluent les auteurs de ce rapport.

Un rapport (volontairement ?) tenu secret. Reste que le rapport n'a jamais été transmis au gouvernement. Comment expliquer cette censure ? Contactée par Le Monde, la direction de l'IGAS évoque "des travaux insuffisamment achevés ou présentant des faiblesses méthodologiques". Pourtant, selon Le Monde, les rédacteurs ont auditionné pas moins de 40 "personnalités qualifiées", comparé des "dizaines" d'accords d'entreprise et épluché toute la "littérature disponible" sur le sujet, y compris à l'étranger. Pourquoi donc le rapport a-t-il été tenu secret ? 

"Est-ce à cause de cette conclusion, sur un sujet sensible politiquement et source de controverses acharnées, que le rapport avait été bloqué ? Certains membres de l’IGAS le pensent. Quoi qu’il en soit, l’affaire plonge ce service de hauts fonctionnaires dans un climat pesant", résume le quotidien du soir.