1er mai : les syndicats défilent divisés

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Sophie Amsili et Olivier Samain , modifié à
ZOOM - L'accord sur l'emploi a éclaté l'union syndicale qui prévalait sous le quinquennat Sarkozy.

La désunion. Cette année, chaque syndicat, ou presque, célèbre la fête du Travail dans son coin. On est bien loin de la photo du dernier défilé, en 2012, lorsque Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT et François Chérèque, celui de la CFDT portaient ensemble une banderole pour s'opposer, notamment, au candidat sortant Sarkozy. En 2013, les visages ont changé (Thierry Lepaon à la CGT, Laurent Berger à la CFDT) et l'accord sur l'emploi, défendu par le président François Hollande, est passé par là. L'accord, qui doit instaurer à la fois plus de flexibilité du travail et des droits renforcés pour les salariés, a été signé par trois organisations : la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. La CGT et FO y sont opposées.

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La CGT sous la pluie. La CGT, FSU et Solidaires rejoints parfois par d'autres forces (FO, Front de gauche, Verts, LO) ont organisé des défilés dans de nombreuses villes, parfois sous un ciel maussade, ne rassemblant le plus souvent que quelques centaines de militants. La mobilisation a pris pour cible la politique d'austérité et l'accord sur la sécurisation de l'emploi. "De gauche comme de droite, non non à l'austérité", lançaient par exemple des militants à Marseille, au nombre de 3.000 selon la police, 10.000 selon la CGT. A Nantes également, au moins 500 militants selon la police ont stoïquement affronté la pluie glacée pendant plus d'une heure avant d'annuler leur défilé. A Saint-Nazaire, quelque 500 militants ont eux bravé la pluie pour défiler. "A mort l'austérité", lançaient des manifestants à Rouen, avec en tête les salariés de Petroplus (1.400 selon la police, 2000 selon les organisateurs). Thierry Lepaon, patron de la CGT, qui prendra dans l'après-midi la tête du cortège parisien, a regretté la division syndicale: "Il y a une responsabilité des syndicats de salariés, face à (la) poussée des idées d'extrême droite, de se rassembler et essayer d'avoir un esprit de conquête", a-t-il déclaré.

29.11 Laurent Berger

Les signataires de l'accord innovent. De leur côté, la CFDT, la CFTC et l’Unsa innovent : toutes trois signataires de l'accord sur l'emploi, elles délocalisent leur cortège, à Cormontreuil, près de Reims. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, y a tenu un rassemblement festif avec ses homologues de l'Unsa, Luc Bérille, et de la CFTC, Philippe Louis, dans une salle de sports dans la banlieue de Reims, réunissant quelque 300 participants. Un barbecue géant est installé sur la pelouse pour l'apéritif et le repas. Le patron de la CFDT y a lancé une charge contre l'austérité en Europe: "les conditions qui sont imposées aux citoyens européens sont inacceptables. Il faut faire une autre Europe économique et sociale".

Une vingtaine de rassemblement pour FO. Force ouvrière, elle, a rassemblé plus de 300  militants devant le Mur des fédérés à Paris en hommage à la Commune. La centrale organise aussi des meetings et des rassemblements dans 22 départements et son numéro un, Jean-Claude Mailly est à Laval. Opposé, comme son homologue de la CGT à l'accord emploi, Jean-Claude Mailly a minimisé la portée des divisions, estimant que les 1er mai unitaires "sont rares". "Pour nous c'est une journée où on ré-exprime nos revendications" et c'est une journée de "solidarité internationale", a-t-il affirmé.

On est loin des années Sarkozy. Ces défilés en ordre dispersé contrastent avec le quinquennat précédent qui a vu les syndicats marcher ensemble contre la crise mais aussi contre Nicolas Sarkozy. Le 1er mai 2009 avait même été marqué par une unité historique baptisée le "G8 syndical". La CGT, la CFDT, l'Unsa, la FSU et Solidaires s'étaient retrouvées et, chose inhabituelle, elles avaient été rejointes par FO, la CFE-CGC et la CFTC.  Pour autant, cette désunion n'est pas exceptionnelle. En 2006, le référendum sur le projet de constitution européenne avait déjà divisé les syndicats. Opposées au projet, CGT, FSU, Solidaires avaient défilé ensemble, tandis que la CFDT, favorable au "oui", s'était montrée discrète.

Syndicats cgt cfdt bandeau

La rupture CGT-CFDT ? A la CGT, Thierry Lepaon assure que son appel à la CFDT pour des cortèges unitaires "malgré les désaccords" n'a "pas été entendu". "C'est un vrai drame pour les salariés", regrette-t-il, car "l'unité syndicale est déterminante". "Ma crainte c'est que le Front national mobilise plus que les syndicats de salariés ce 1er mai," s'est-il inquiété, alors que le parti de Marine Le Pen organise son défilé "en l'honneur de Jeanne d'Arc et des travailleurs français". Mais de son côté, Laurent Berger, leader de la CFDT, s'est montré ferme, estimant que son syndicat avait été insulté par des militants CGT lors de leur Congrès à Toulouse : "Quand on se fait traiter de 'traître', de 'collabo', de 'renégat', je considère que ce sont des insultes", a-t-il expliqué. "On ne peut "pas faire semblant de dire des choses ensemble sur l'emploi, alors qu'on est profondément divisés", ajoute Véronique Descacq, numéro deux de la CFDT.

Mais pour la CFDT, il n'y a pas de rupture avec la CGT. "On peut se retrouver sur d'autres sujets", estime Véronique Descacq. Les deux syndicats devront de toute manière se retrouver autour d'une même table les 20 et 21 juin, lors d'une nouvelle conférence sociale sur les nouveaux chantiers pour 2013 et 2014.