Philippe Croizon avait 26 ans lorsque sa vie a basculé, le 5 mars 1994. Touché par une ligne électrique de 20.000 volts, il a dû subir une amputation des deux bras et des deux jambes. Malgré cette épreuve, il a "décidé de continuer à vivre pour (ses) deux garçons". Et pour lui, "continuer à vivre" a rimé avec relever des défis qui paraissaient pourtant impossibles.
Le premier d'entre eux a été de traverser la Manche à la nage. "J'ai eu cette idée-là quand je me suis réveillé sur mon lit d'hôpital, deux mois après mon accident. Je regardais la télévision et je vois une jeune fille qui traverse la Manche à la nage. Elle avait 18 ans, c'était la deuxième Française à réussir la traversée de la Manche depuis 1875 et j'ai dit : 'Pourquoi pas moi un jour ?'" Et c'est resté dans ma tête", a-t-il confié dans l'émission La vie devant soi sur Europe 1.
À partir du moment où l'idée est née, "99% des gens me disaient : 'Arrête de rêver ! Tu ne pourras jamais traverser la Manche à la nage ! Tu n'as pas de bras et pas de jambes…' Mais c'était mon objectif. (…) Je me suis lancé dans cette aventure avec le 1% qui restait et qui m'a donné la confiance dont j'avais besoin."
"Je n'avais jamais été sportif de ma vie et je ne savais pas nager. J'avais 40 ans et j'ai commencé les entraînements pour réaliser ce rêve que j'avais vu dix ans auparavant sur cette télévision", raconte Philippe Croizon. Objectif atteint le 19 août 2010, où il nage entre Folkestone et le cap Gris-Nez en 13 heures et 26 minutes.
Réaliser une telle performance lui a permis de changer son quotidien : "Je savais que si je traversais la Manche à la nage, je changerais mon destin, je changerais ma vie. J'ai été pendant sept ans dans mon canapé à attendre, parce que j'avais peur du monde extérieur, j'avais un peu peur de mon schéma corporel."
Malgré la prouesse qu'il a réalisée, Philippe Croizon ne se "considère pas comme un héros" aujourd'hui : "Je suis juste une personne qui a travaillé dur pendant des années pour arriver à atteindre cet objectif de vouloir traverser la Manche à la nage."
Depuis, Philippe Croizon a relevé d'autres défis de taille, comme relier les cinq continents à la nage ou participer au Dakar. Prochaine étape ? Être le premier handicapé à aller dans l'espace. "Je trouve ça très, très drôle mais si un jour, on me le propose, bien sûr que je dirai oui", lâche-t-il sur le ton de la plaisanterie. Mais c'est justement en plaisantant que chacune des ses idées a vu le jour : "Chaque aventure que j'ai menée, ça démarre d'une boutade." Des boutades qui lui ont permis de surmonter son handicap.