Une femme dans Doctor Who : "Ça va donner un coup de boost au scénario"

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Jodie Whittaker sera la nouvelle héroïne de la série à partir de décembre. © Ben Gabbe / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Anaïs Huet
C'est une première : une femme va interpréter le personnage principal dans la série culte "Doctor Who". Une petite révolution, qui n'en reste pas moins cohérente avec l'univers de la série.

En 53 ans d'existence à la télévision britannique, Doctor Who a vu défiler douze acteurs. Douze hommes auxquels vient de s'ajouter une femme, Jodie Whittaker. L'actrice anglaise va prendre les traits du Docteur, cet extraterrestre fantasque de la race des Seigneurs du Temps, qui voyage à travers l'espace et le temps à bord de son vaisseau spatial en forme de cabine téléphonique de la police. L'annonce de cette nouveauté suscite de nombreuses réactions parmi les fans du show. Si certains accueillent ce choix inédit avec enthousiasme, d'autres se montrent plus sceptiques. Alain Carrazé, spécialiste des séries télé, analyse ce tournant dans la série de science-fiction.

Le Docteur est devenu une femme. En quoi cela constitue un événement ?

Dans cette série, chaque changement devient un événement. C'est régulier, cyclique. À chaque nouveau docteur ou nouveau compagnon, ça suscite du buzz et beaucoup de commentaires. Il est assez courant, et avec beaucoup d'ironie, qu'à chaque fois que le docteur change, il y a plusieurs phases, un peu comme pour les décès : le rejet, l'acceptation, et enfin la déception et les larmes quand ce nouvel acteur qu'on a honni s'apprête à partir. Le buzz est souvent généré par les différences que vont avoir les nouveaux personnages : l'âge, le look… Là c’est un grand pas qui est franchi. Je suppose que vu le choix qui a été fait, le buzz est plus grand que d’habitude. 

Etant donné la popularité de la série en Grande-Bretagne sur plusieurs générations, chacun de ces changements fait la une des journaux. La dernière fois, l'annonce du nouveau docteur avait été faite lors d'une émission spéciale d’une demi-heure sur la BBC, en direct. 

Comment expliquer les réactions parfois hostiles de certains fans de la série ?

C'est vrai qu'il y a une certaine hostilité dès que l'on change les habitudes des gens, même si dans cette série, c'est tout à fait légitime de prendre une femme plutôt qu'un homme. Ça peut choquer des spectateurs "intégristes", en restant le plus diplomate possible dans le choix de mes mots. Il y a eu exactement le même genre de réactions stupides il y a trois ans quand Peter Capaldi a été choisi pour incarner le nouveau Docteur, car il était jugé comme "trop vieux". C'est oublier que le premier acteur à avoir incarné le Docteur était un grand-père. Mais on n'empêchera jamais certains spectateurs d'être un peu bornés. Avoir un a priori défavorable parce que le personnage est âgé, jeune, homme, femme, c'est idiot. 

Le Docteur a déjà été incarné par douze acteurs différents. N'est-ce pas là l'une des constituantes essentielles de la série ?

Le personnage du Docteur est un Seigneur du Temps, un personnage qui se régénère, qui change littéralement de peau quand le besoin s'en fait sentir. On peut comparer ça à une résurrection. C'est le personnage lui-même qui change, pas comme James bond qui change seulement d'interprète. Le Docteur garde son humour, sa mémoire, ses connaissances, mais il change de peau comme un serpent. C'est pour cette raison que Doctor Who dure depuis plus de 53 ans, c'est le génie de cette série, son ADN.

Là, que l'acteur devienne une actrice, c'est aussi une nouvelle interprétation et un nouveau plaisir pour les téléspectateurs. On se dit : "Chouette, ça va donner un coup de boost au scénario ! Quelle va être la dynamique qui va se créer entre les personnages ?" J'ai hâte de le voir.

Certains parlent "d'effet de mode", "d'opportunisme" dans le choix d'une femme pour incarner le Docteur…

Il n'y a pas d'effet de mode. Cela fait plusieurs années que l'idée fait son chemin dans la tête des scénaristes de Doctor Who. Ils m'en avaient parlé, et je leur avais dit que ce serait formidable. Des femmes héroïnes de séries télé, ce n'est pas récent. C'est un phénomène qui remonte aux années 1960. Chapeau melon et bottes de cuir a fait date, car c'est l'une des premières séries dans laquelle l'héroïne n'était pas une jeune femme en détresse. Ça, ça a été une vraie révolution pour le petit écran.

Le monde des séries télévisées n'est absolument pas macho. De Docteur Quinn, femme médecin à Nurse Jackie, en passant par Desperate Housewives ou Homeland, les séries avec une femme en "tête d'affiche" sont très nombreuses. Je ne vois pas un genre exempt de séries avec des personnages principaux féminins. Et les femmes sont aussi très nombreuses à regarder des séries. Il est normal qu'elles y soient représentées au même titre que les hommes.