Retour sur... "The Big Lebowski" : héros malgré lui

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Guillaume Perrodeau
Mardi, France 4 diffuse le long-métrage des frères Coen, devenu culte plusieurs années après sa sortie en salles en 1998.

"C'est quoi un héros ?". La question est posée, quasiment involontairement, au tout début de The Big Lebowski (1998) des frères Coen, par une voix off venue nous raconter l'histoire de Jeff Lebowski, alias le "Dude" (Jeff Bridges). Mardi soir à 20h55, France 4 rediffuse ce film devenu culte au fil des ans.

Héros par erreur. Il suffit de quelques minutes aux téléspectateurs pour s’apercevoir que, de prime abord, le Dude n'a rien d'un héros. Barbe mal taillée, peignoir délavé, démarche nonchalante, Jeff Lebowski est une âme errante au milieu du brouhaha de Los Angeles. Il a même tout du anti-héros de base. Il arrive d'ailleurs par erreur dans l'histoire du film. Deux malfrats, venus récupérés de l'argent, se sont trompés de Lebowski, et sont venus malmener le pauvre Jeff en lieu et place d'un milliardaire homonyme. Sans rien avoir demandé à personne, le voilà au centre de l'attention.

Rapidement, Jeff Lebowski est mêlé à une sombre affaire de kidnapping. Dans son sillage, il amène son ami de toujours, Walter Sobchak (John Goodman), un gros nounours très nerveux, adepte du pinaillage et qui reprend ses interlocuteurs sur chaque phrase. Le Dude, plutôt habitué à sa routine quotidienne - entre parties de bowling, joint et cocktail White Russian (vokda, liqueur de café, lait) - doit jouer les intermédiaires entre victime et ravisseurs. C'est en traînant la patte que l'homme s'exécute. On est loin de l'abnégation, de la bravoure et du sens de sacrifice, propre aux figures homériques. Jeff Lebowski doit jouer les sauveurs, malgré lui.

Héros malgré tout. Au milieu de cette routine bousculée, et entre deux cocktails, il faut bien dire que l'on finit par s'attacher à cet homme un peu à côté de la plaque. Baladé aux quatre coins de la ville par des interlocuteurs ayant un lien plus ou moins flou avec l'enquête, le Dude traîne avec lui sa bonhomie attachante. C'est sans doute dans cette carcasse d'1m85 que réside toute la force du film. Salué par les critiques à sa sortie, le long-métrage est néanmoins boudé par le public et n'atteint que les 17 millions de dollars de recettes au box-office, à peine plus que le budget de départ. Deux ans plus tôt, les frères Coen venaient pourtant de rafler le prix de la mise en scène à Cannes, avec Fargo.

Si le film est culte aujourd'hui, c'est grâce à son exploitation vidéo-cassette et DVDs. 20 millions d'exemplaires auraient été écoulés depuis la sortie du long-métrage sur ces deux formats. C'est là, dans ce circuit extérieur à la salle de cinéma, que le mythe The Big Lebowski a été édifié. L'attitude du personnage principal et son flegme erratique sont devenus de véritables codes culturels pour certains téléspectateurs. Entraîné par cet élan, le film a pris une place centrale dans la filmographie des cinéastes aujourd'hui. Une religion s'est même créée autour du phénomène : le Duedism, application stricte du mode vie du Dude. Jeff Lebowski, devenu une sorte d'être humain élevé au rang de divinité par tout un pan de cinéphiles. Et oui, c'est aussi ça être un héros.