Alors qu'une exposition et une rétrospective célèbrent actuellement Henri-Georges Clouzot, mort en 1977, Arte diffuse lundi soir à 20h50 Quai des Orfèvres. Un drame, qui marquait à l'époque le retour du cinéaste au premier plan, quelques années après avoir été banni de la profession.
Critiqué, banni puis soutenu. Henri-Georges Clouzot a toujours été une figure très controversée, encore aujourd'hui, quarante ans après sa mort. Encensé par certains, détesté par d'autres, le cinéaste paye son début de carrière, commencée sous la France occupée par l'Allemagne nazie. Mais c'est surtout son deuxième film, Le corbeau (1943), qui lui sera reproché à la Libération. Produit par la Continental-Films, société créée par Joseph Goebbels, le film raconte le quotidien d'une ville de province française pourrie par la délation provoquée par des lettres anonymes. Le corbeau est considéré comme anti-français par la Résistance et si Clouzot échappe à la prison à la fin de la guerre, il est cependant banni de la profession.
Mais des voix s'élèvent contre cette décision et Henri-Georges Clouzot est soutenu par des personnalités comme le scénariste Henri Jeanson ou encore le cinéaste Jacques Becker. En 1947, l'interdiction qui le vise est levée et le réalisateur se retrouve à nouveau derrière la caméra pour Quai des Orfèvres. Un film dans lequel Clouzot n'a rien perdu de sa noirceur.
Noir c'est noir. Dans la France de l'après-guerre, Jenny Lamour (Suzy Delair) est une chanteuse de music-hall, mariée à Maurice Martineau (Bernard Blier), qui l'accompagne au piano. Jenny est très appréciée par certains hommes du milieu, dont un vieux producteur, Brignon, qui lui fait lorgner un juteux contrat dans le cinéma. Maurice goûte peu à ces hommes qui tournent autour de sa femme et menace directement Brignon, en compagnie de témoins. Une nuit, il décide de se rendre directement chez le vieil homme pour réitérer ses menaces mais trouve Brignon assassiné. L'inspecteur Antoine (Louis Jouvet), policier du quai des Orfèvres, est chargé de l'enquête et porte rapidement ses soupçons vers Martineau.
L'intrigue policière n'est qu'une façade dans Quai des Orfèvres. Derrière les meurtres et les enquêtes, il y a surtout des hommes et des femmes, aux comportement ambigus. Henri-Georges Clouzot se plaît à déconstruire les cases dans lesquelles ses personnages pourraient être enfermés. Le cinéaste jette son regard pessimiste sur cette société d'après-guerre dont Suzy, Maurice, Dora ou encore l'inspecteur Antoine sont des échantillons. Derrière les lumières du music-hall et l'apparente gaieté du milieu, c'est finalement les recoins sombres de l'âme humaine que l'on découvre.