Qui est Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature ?

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S.B. avec AFP , modifié à
Cette Bélarusse de 67 ans vient de recevoir la prestigieuse récompense, sur laquelle elle compte pour se faire entendre. Portrait. 

Elle était donnée favorite. Svetlana Alexievitch vient d'être récompensée, jeudi par le prix Nobel de littérature. Elle est l'une des rares femmes, la quatorzième exactement, à recevoir cette prestigieuse récompense depuis sa création en 1901. Cette ancienne journaliste de 67 ans a écrit des livres poignants sur la catastrophe de Tchernobyl ou sur la guerre en Afghanistan, des romans interdits dans son pays. L'originalité de son oeuvre ? Écrite à partir de centaines de témoignages sur la Russie d'aujourd'hui, elle se situe à la frontière entre le documentaire et la littérature. Svetlana Alexievitch est traduite en plusieurs langues et publiée à travers le monde entier. 

Née le 31 mai 1948 en Ukraine d'un père biélorusse et d'une mère ukrainienne, la Bélarusse Svetlana Alexievitch a fait des études de journalisme à Minsk. Pratiquant divers genres, la journaliste se concentre néanmoins surtout sur des récits de guerre qui influenceront ses ouvrages par la suite. Retour sur une carrière atypique et un personnage engagé.

Trois des œuvres majeures. Les interviews qu'elle a patiemment réalisées fournissent la matière première de nombre de ses livres. Trois de ses ouvrages sont considérés comme des œuvres majeures. La guerre n'a pas un visage de femme, basé sur des entretiens avec des centaines de femmes plongées dans la Seconde Guerre mondiale, Derniers témoins, qui s'intéresse cette fois au point de vue des enfants. Mais son œuvre la plus remarquée et la plus primée demeure La Supplication, parue en 1997, qui a pour sujet la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et ses conséquences. Son dernier ouvrage traduit en français, La Fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement, s'est vu quant à lui décerner en France le prix Médicis de l'Essai en 2013.

Svetlana Alexievitch ni journaliste, ni historienne. "Je ne cherche pas à produire un document mais à sculpter l'image d'une époque", a confié Svetlana Alexievitch, qui met "entre sept et dix ans" pour rédiger chaque livre. Le nouveau prix Nobel ne se considère ni comme une journaliste, ni comme une historienne. "Je ne reste pas au niveau de l'information mais j'explore la vie des gens, ce qu'ils ont compris de l'existence", explique-t-elle encore. "Tout commence pour moi à l'endroit même où se termine la tâche de l'historien : que se passe-t-il dans la tête des gens après la bataille de Stalingrad ou après l'explosion de Tchernobyl ? Je n'écris pas l'histoire des faits mais l'histoire des âmes", insiste-t-elle.

L'engagement. Svetlana Alexievitch, très engagée sur le plan politique, dénonce sans relâche, depuis des années, le régime autoritaire du président bélarusse Alexandre Loukachenko, un combat qui l'a d'ailleurs amenée à s'exiler à différentes reprises. Elle a ainsi vécu périodiquement en Italie, en France, en Allemagne et en Suède. La lauréate du Nobel compte beaucoup sur la portée de sa prestigieuse récompense. Avec le prix, le régime de Minsk "va être obligé de m'écouter. Il y a tellement de personnes fatiguées qui n'ont plus la force de croire. (Le prix) peut signifier quelque chose pour eux", a-t-elle affirmé au quotidien Svenska Dagbladet. 

Et lors d'une conférence de presse à Minsk jeudi, l'écrivain a tenu à souligner : "J'aime le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde s'incline, celui du ballet et de la musique, mais pas celui de Staline et Poutine", a-t-elle déclaré.