Le romancier, policier en disponibilité, s'est installé plusieurs semaines dans la jungle de Calais. Il a découvert ce lieu qui est la trame de son nouveau polar "Entre deux mondes".
La spécificité de l’écrivain Olivier Norek est qu’il est un policier en disponibilité. Invité dans La Voix est livre , l'auteur a expliqué quel défi avait représenté l'écriture de son nouveau polar, Entre deux mondes, pour lequel il est allé s'installer plusieurs semaines dans la Jungle de Calais .
"Dans mon canapé à avoir la trouille". Egalement scénariste de la saison 6 d’Engrenages, ce roman a, ne serait-ce que par son sujet, été "un challenge" : "dans un camp de réfugiés, il est impossible d’enquêter pour un policier. Parce que les bases mêmes de l’enquête de police qui sont la recherche de témoignages, l’ADN, les empreintes digitales mais aussi les réseaux sociaux, la téléphonie, les mails… tout ça n’est pas accessible. Donc je me suis décidé à écrire une enquête de police dans le seul endroit en France où on ne pouvait pas enquêter." Son deuxième moteur était de sortir du champ lexical "de la peur, de la crainte, de la menace presque" attaché aux migrants. "Au bout d’un moment, moi aussi je me suis retrouvé dans mon canapé devant ma télé à avoir la trouille. Je me suis souvenu que je m’appelais Olivier Norek, que j’étais petit-fils de migrant comme beaucoup de Français, que mon grand-père avait réussi à s’échapper des camps de concentration, était arrivé en Aveyron et qu’on lui avait ouvert les bras", explique l'auteur.
"Il y avait tout le romanesque nécessaire". Le petit-fils d’immigré se dit qu’il doit au moins comprendre. Il prend alors le contre-pied de la peur générale, et surtout son sac à dos, pour aller vivre dans la Jungle pendant plusieurs semaines afin d'écrire son livre. Deux héros cohabitent dans les pages : Bastien Miller, policier, et Adam, d'abord militaire en Syrie dans l’armée d’Assad en œuvrant contre le régime, mais qui décide de partir quand la situation devient trop dangereuse. Il atterrit ainsi Calais à la recherche de sa femme Nora et de sa fille Maya qu’il a fait exfiltrer avant.
"J’ai rencontré la plupart des personnages qui sont dans le livre. C’est terrible mais il y avait tout le romanesque nécessaire. Je n’avais pas besoin d’imaginer ni les drames et les horreurs ni les moments humains. Et le fait d’ultra humaniser mon personnage le transforme en véhicule de l’histoire. Ce n’est plus un entrefilet d’information, mais une histoire d’hommes et donc l’Histoire. J’avais envie de présenter une famille qui très rapidement pouvait représenter celle d’une lecteur. J’avais envie de sortir de cette masse de migrants et d’humaniser pour enlever l’anonymat", explique-t-il. C'est la raison pour laquelle le roman s'appelle Entre deux mondes. La Jungle est cette espèce de purgatoire entre des pays en guerre et l’eldorado anglais.
Du roman social au polar. Seulement, au bout de quelques semaines dans la jungle, Adam devient dingue. "80% des personnes dans la Jungle étaient atteintes de troubles psychiatriques, de la petite dépression à la schizophrénie profonde." C'est à ce moment que va survenir un meurtre dans la jungle puis un deuxième. "Et alors qu’Adam n’aurait jamais dû enquêter sur ces meurtres, cela va devenir son oxygène, sa manière de ne pas devenir fou". C'est aussi là que le roman social bascule dans le polar.