L'étonnante histoire du "Salvator Mundi", le tableau le plus cher du monde

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L'origine du tableau remonte sans doute au 16ème siècle. © ILYA S. SAVENOK / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Le "Salvator Mundi", commandé par un roi de France au 16ème siècle, n'a été authentifié comme un Léonard de Vinci qu'en 2011.

Un Christ bénissant le monde représenté sur un panneau de bois. Voilà le tableau qui est devenu dans la nuit de mercredi à jeudi le plus cher du monde. Et c'est son auteur qui en fait la valeur : Léonard de Vinci, le célèbre peintre florentin de la Renaissance. L'oeuvre, nommé Salvator Mundi, avait été estimée à 100 millions de dollars (85 millions d'euros). Elle est finalement partie pour la somme impressionnante de 450,3 millions de dollars (380 millions d'euros) à un acheteur anonyme. Le précédent record, établi à 300 millions de dollars (255 millions d'euros), détenu à la fois par un Gauguin et par un De Kooning, est donc battu. Mais, outre son prix de vente, ce qui fait la particularité de cette peinture, c'est aussi son passé aux nombreux rebondissements. Longtemps attribuée à un élève de Léonard de Vinci, elle a aussi disparu plusieurs fois.

Une oeuvre commandée par un roi de France… La première trace de ce modeste panneau en noyer de 65 cm sur 45 remonte au 16ème siècle. Le roi de France Louis XII (1498-1515) commande alors un portrait du Christ à Léonard de Vinci. Le thème est alors assez récent dans l'art, l'image du Christ Sauveur, qui bénit d'une main et tient l'univers (symbolisé par un globe) dans l'autre, remonte en effet à la fin du Moyen-Âge selon François Boespflug, historien de l'art interrogé dans La Croix.

… mais propriété des rois d'Angleterre. La peinture, effectuée selon les estimations entre 1506 et 1513, ne reste cependant pas longtemps en France. Elle traverse la Manche dans les bagages de Henriette Marie, soeur du roi Louis XIII, qui est mariée en 1625 à Charles Ier. C'est donc tout naturellement que le Salvator Mundi réapparaît dans les collections privées du roi d'Angleterre qui règne jusqu'en 1649. Puis, quand son fils le roi Charles II meurt en 1685, une référence au tableau est à nouveau observée dans sa succession. Pendant plusieurs décennies, on perd la trace de l'oeuvre… jusqu'en 1763, année où elle est vendue par un fils illégitime de la famille royale anglaise.

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En 1900, un tableau attribué à… un autre peintre italien. De nouveau, le tableau sombre dans l'oubli et avec lui… son véritable auteur. Quand en 1900, le tableau refait parler de lui, toujours en Angleterre, un collectionneur en fait l'acquisition et l'attribue à Giovanni Boltraffio.

Ce dernier, peintre de la Renaissance, a été un élève de Léonard de Vinci en 1491. Pour autant, les descendants du collectionneur ne spéculent pas sur l'oeuvre et la cède lors d'une vente aux enchères à Londres pour la modique somme de 45 livres en 1958 (environ 500 euros aujourd'hui).

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais un nouveau rebondissement va survenir. Après plus de 40 ans de discrétion, le Salvator Mundi est présenté lors d'une vente aux enchères en 1999, mais la maison Sotheby's ne se mouille pas. La peinture est présentée, non comme une oeuvre de Giovanni Boltraffio, mais plus généralement comme l'oeuvre d'un Leonardeschi, c'est-à-dire un élève du maître florentin. C'est suffisant pour que sa valeur bondisse à 332.500 dollars (282.000 euros).

Une restauration révèle un Léonard De Vinci. Il faut attendre quelques années encore pour que le Salvator Mundi soit de nouveau officiellement relié à Léonard de Vinci. Lors du règlement d'une succession en Louisiane, aux États-Unis, en 2011, deux collectionneurs new-yorkais, mettent la mains sur le tableau italien, alors en très mauvais état. Qu'importe, ses nouveaux propriétaires se lancent pendant six ans dans un combat pour faire reconnaître le potentiel énorme de l'oeuvre. Ils la font nettoyer afin d'effacer plusieurs anciennes restaurations ratées (ainsi d'une moustache qui avait été ajoutée au Christ), puis restaurer avant de la montrer au directeur de la National Gallery. Après de nombreuses expertises, la peinture est finalement attribuée à Léonard de Vinci puis présentée pour la première fois en 2011 dans une exposition consacré à l'artiste dans le célèbre musée londonien.

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De 127 à 380 millions. La valeur du petit panneau de bois fait naturellement un bond exponentiel. En 2013, il tombe dans l'escarcelle du marchand d'art Yves Bouvier. Puis, dans la foulée, il change de mains : le milliardaire russe et propriétaire de l'AS Monaco, Dmitri Rybolovlev, en devient le nouveau propriétaire contre 127,5 millions d'euros. Une valeur qui a donc triplé lors de sa vente mercredi à New York.

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Un génie universel… Cette somme impressionnante est bien sûr due à l'immense notoriété de Léonard de Vinci. Il est ainsi l'un des rares artistes à attirer encore les projecteurs, 500 ans après sa mort, en raison de sa célèbre Joconde bien sûr mais aussi de son génie universellement reconnu. L'homme, mort à 67 ans en France, avait en effet un talent multiple, représentatif de l'homme de la Renaissance, tout à la fois artiste, ingénieur, anatomiste, inventeur et philosophe.

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… aux peintures très rares. L'autre raison est que Léonard de Vinci a laissé très peu d'oeuvres derrière lui, une quinzaine de tableaux seulement. Si les spéculations et les fantasmes sont nombreux autour du peintre toscan, les vraies découvertes sont elles plutôt rares. La dernière fois qu'une peinture a été attribuée à Léonard de Vinci remonte ainsi à... 1909. Il s'agit de la Madonna Benois, perdue pendant quatre siècles et retrouvée par hasard par un architecte russe, rachetée par le tsar Nicolas II en 1914 et exposée depuis au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersboug. Enfin, le prix impressionnant atteint à New York s'explique aussi par le fait que le Salvator Mundi est la seule peinture de Léonard de Vinci à appartenir à un particulier. Le Dallas Museum of Art, qui a été le dernier à l'exposer, a bien tenté de l'acquérir. En vain.