Joker : petite(s) histoire(s) d'un grand méchant

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© Warner Bros. - DC Comics - Warner Bros. / montage Europe 1
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Guillaume Perrodeau , modifié à
CINÉMA - Jared Leto incarne l'ennemi juré de Batman dans "Suicide Squad", en salles mercredi. L'occasion de revenir sur les multiples facettes du Joker.

Visage blanchâtre, large sourire, regard fou. Le Joker est sans doute l'un des méchants les plus célèbres de l'histoire de la fiction contemporaine, tout art confondu. Depuis sa première apparition en 1940 dans le comics Batman, l'une des crapules les plus célèbres de Gotham City a fait du chemin. Mercredi sort en salles Suicide Squad, avec Jared Leto dans le rôle du psychopathe. Une nouvelle incarnation qui perpétue une longue tradition qui a évolué au fil des années.

Pas si sombre. "Dans les comics des années 1940 jusqu'à la fin des années 1960, le méchant est là pour être la menace de l'épisode. À la fin du comics, il disparaît, est laissé pour mort ou va en prison avant de refaire son apparition un mois après", explique Hayedile, vendeur à la boutique Album Comics à Paris. Le Joker a donc dû patienter avant de prendre ses galons de grand méchant. Mais à l'époque, même le personnage du Batman n'a pas grand chose à voir avec celui que l'on connaît aujourd'hui. Il faudra attendre les années 1970, mais surtout 1980, pour que le Joker prenne une autre dimension sur papier, puis à l'écran.

"The Killing Joke". C'est à Alan Moore (scénario) et Brian Bolland (dessin) que l'on doit un Joker à la carrure plus épaisse, grâce à The Killing Joke (1988). "Ce comics a vraiment personnifié le couple Batman/Joker, créé l'idée que l'un ne va pas sans l'autre et qu'ils s'opposent sur tout, à la manière du yin et du yang", raconte Hayedile. Si le Joker se démarquait déjà des autres méchants grâce à son physique et parce qu'il était très apprécié des lecteurs, il restait "un méchant dans le cheptel, parmi les autres".

"Alan Moore va créer son passé et fait un droit d'inventaire du personnage", décrit le spécialiste de la boutique Album Comics. Dans The Killing Joke, Moore et Bolland prouvent que le Joker est le plus à même de faire du mal à Batman, notamment à travers ses proches. Davantage d'épaisseur, plus sombre, le Joker s'installe définitivement comme le roi des méchants face au justicier de Gotham City.


Batman ( 1966 - bande annonce VF )par elsa-benjal

Humour et burlesque pour la série télévisée Batman. A l'écran, c'est sur ABC en 1966, sous forme de série télévisée, que le Joker fait une première apparition remarquée dans Batman. L'acteur Cesar Romero endosse le costume du Joker. La série se situe clairement dans le second degré, faisant le choix de l'humour et du burlesque pour le ton de ses épisodes. En trois saisons, aucune trace de violences ou de sang. "Kitsch" diront certains, "nanar" affirmeront d'autres. En tout cas, le Joker version Cesar Romero occupe la même place dramatique que dans celui des premiers comics : une menace épisodique, parmi d'autres.

Jack Nicholson, le premier grand Joker à l'écran. En 1989, sous impulsion de la Warner, Tim Burton s'empare du personnage de Batman. Le réalisateur prend clairement le parti pris de s'inspirer du travail d'Alan Moore ou encore de celui de Franck Miller (Batman : Dark Knight et Batman: Year One), que ce soit pour le justicier - incarné par Michael Keaton - ou pour le Joker - joué par Jack Nicholson. On retrouve l'aspect du duel, du thème de la vengeance et de l'affrontement de deux contraires instillés par The Killing Joke. Tim Burton reprend même l'idée de la chute dans des produits chimiques comme origine de l'aspect clownesque du Joker. Le réalisateur américain y ajoutera une intervention de chirurgie, afin de sceller le visage de Jack Nicholson dans un sourire.

Heath Ledger rebat les cartes. Lorsqu'il reprend le personnage de Batman sur grand écran avec The Dark Knight, Christopher Nolan fait le choix de s'éloigner des comics. Le Joker, joué par Heath Ledger, est sans doute celui qui s'éloigne le plus de l'esprit des BD. Est-ce si dommageable, quand on sait à quel point l'interprétation du regretté acteur australien a été saluée ? Heath Ledger est aussi bien un clown à la limite de la bouffonerie - comme lorsqu'il assassine un membre de la pègre en un tour de magie -, qu'un psychopathe névrotique et nihiliste, brûlant allègrement des millions de dollars pour le simple plaisir.

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Cette nouvelle version du criminel se passe d'histoire personnelle. Les origines de la folie du Joker sont volontairement passées sous silence. Son aspect physique - et notamment ses cicatrices - également, puisqu'il en donne des versions différentes. Son but ? Le chaos, total. Dans The Dark Knight, le Joker ne se donne pas à comprendre, mais juste à contempler. Comme le dit Alfred à Bruce Wayne pendant le film : "Certains hommes veulent juste voir le monde brûler". Mercredi, les spectateurs pourront découvrir si Jared Leto s'inscrit aussi dans cette logique.