Franz-Olivier Giesbert : "J’ai voulu parler à mon père dès qu’il est mort"

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A.D
Le journaliste et écrivain s'est livré au micro d'Isabelle Morizet. Il a évoqué son père, des regrets et son amour de la vie.
INTERVIEW

Depuis ses 9 ans, Franz-Olivier Giesbert voulait devenir écrivain. Belle d’amour (Gallimard), son dernier roman, met en scène Tiphanie, une suivante de Saint-Louis, dans l'épopée des Croisades. Sorti en mars, il rejoint la longue liste de ses écrits, romans, essais et papiers en tant que journaliste. Ancien directeur du Nouvel Observateur, du Figaro, puis du Point, il est revenu dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie sur sa carrière, mais aussi sur sa vie privée.

Un père aimé malgré tout. Franz-Olivier Giesbert passe une enfance heureuse, en Normandie, à "la campagne", entre une mère professeure de philosophie et un père, Américain, dessinateur et rescapé d'Omaha beach. Mais ses jeunes années sont aussi marquées par la violence de son père. Un père à qui il n'a jamais pardonné. "J’ai voulu lui parler dès qu’il est mort. C’était trop tard. Je me rends compte aujourd’hui à quel point je lui ressemble, pas pour la violence, au contraire, mais pour les intérêts : l’histoire des civilisations, des religions, les mots."

"Ce père, je l’aimais malgré tout, il avait changé. Je m’en suis énormément voulu. J’aurais voulu le tuer parce qu’il traitait tellement mal ma mère à une certaine période de ma vie. Et il a changé. Les gens changent. Vous pardonnez à tout le monde. Je suis quelqu’un qui pardonne volontiers mais pourquoi je n’ai pas pardonné à mon père ? Je n’ai pas compris. J’ai poursuivi une sorte de haine incroyable alors qu’il n’était plus le même et que ma mère avait décidé de rester." C'est dans un de ses ouvrages, L'Américain, qu'il parle à ce père avec qui il est resté silencieux. "J'ai pleuré pendant trois jours quand il est mort. J’ai pleuré après, tout le temps." .

Des regrets sur Chirac. Maintenant, le journaliste dit être passé à autre chose. Heureux dans la deuxième partie de la soixantaine, Marseillais depuis une dizaine d'années et père de cinq enfants, il souhaite vivre chaque jour comme si c'était le dernier. "Tous les drames que j’ai eus m’ont renforcé. On est tous des résilients. J’ai attendu d’avoir des gros problèmes de santé, avec un cancer, pour appliquer ça dans ma vie en permanence."

En regardant en arrière, il reconnaît avoir parfois été loin dans ses écrits, notamment dans son livre sur ChiracLa tragédie du président, sorti en 2006. "Ça a été un succès inouï, plus de 400.000 exemplaires vendus. Dedans, il y avait une ou deux petites lignes personnelles sur Chirac, j’ai regretté", indique-t-il. "Même quand j’ai dit 'Jean-François Copé finira dans les égouts'. Je n’ai pas un grand respect pour le personnage, mais j’ai regretté. Ce n’est pas terrible." Des regrets presque inévitables en plus de quarante ans d'une carrière débutée à l'âge de 19 ans au journal Paris-Normandie.

Cynisme et confitures. Aujourd'hui à la retraite, celui qui se dit "de gauche sur la solidarité, les problèmes de société, et de droite sur le plan économique", garde un œil critique sur la politique. "Avec le système de désignation que nous avons en France, aux Etats-Unis, avec les primaires, avec le développement des réseaux sociaux, il devient de plus en plus compliqué pour quelqu’un de se présenter à la présidence. On va fouiller dans ses tiroirs, dans sa vie privée. C’est comme ça qu’aux Etats-Unis, ils se sont  retrouvés avec Donald Trump."

Il trouve aussi que l'époque est "rongée par le cynisme, le nombrilisme, l’individualisme. Et l’idée de repli derrière nos frontières, le refus de l’autre." Il préconise de prendre de la distance, d'éviter le sectarisme et de se guérir par le rire et par la lecture du Gai savoir de Nietzsche. Il a aussi une facette moins connue, celle d'adorer cuisiner. Il fait même un aveu : "Je suis la reine des confitures aux abricots", conclut-il...au féminin.