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Marie Gicquel, avec AFP / Crédits photo : Christophe SIMON / AFP , modifié à
Le réalisateur américain Sean Baker a obtenu samedi soir la Palme d'or du Festival de Cannes 2024 pour son film "Anora". Il s'agit d'un thriller new-yorkais qui passe des bas-fonds aux villas de luxe des oligarques russes, et laisse augurer d'un renouveau du cinéma indépendant américain.

Passage de génération à Cannes : le créateur de Star Wars, George Lucas, a reçu un prix d'honneur avant de remettre la Palme d'or à un représentant du nouveau cinéma indépendant américain, Sean Baker, qui a livré un plaidoyer pour le cinéma en salles. "Nous devons lutter pour faire des films qui sortent en salles. Il faut que le monde se rappelle que voir un film sur son téléphone portable ou à la maison, ce n'est pas la manière (correcte) de voir des films", a déclaré Sean Baker en recevant son prix.

"En salles, on partage la tristesse, la peur, le rire", a-t-il ajouté sur une scène du Palais des festivals où venaient de se succéder, en forme de passage de témoin, deux légendes d'Hollywood : Francis Ford Coppola, finalement reparti bredouille avec Megalopolis, et George Lucas, à qui il était venu remettre sa Palme d'or d'honneur.

Le film "Anora" rembobine efficacement les classiques du cinéma américain

Sean Baker, qui succède à Justine Triet et son film Anatomie d'une chute, est un amoureux des personnages en marge, débordant d'humanité, et tourne souvent avec des acteurs débutants ou amateurs. Détournant les mythes de Cendrillon ou de Pretty Woman, Anora passe des bas-fonds de New York aux villas de luxe des oligarques russes, en suivant la relation entre une jeune stripteaseuse Anora et le fils d'un milliardaire.

Mafieux, virées dans la communauté russophone de Coney Island, courses nocturnes dans New York, homme de main aux faux airs de Robert De Niro, le film de 2h18 rembobine efficacement les classiques du cinéma américain et dépeint l'envers du rêve américain.

L'Iranien Mohammad Rasoulof repart avec un prix spécial

Autre décision marquante du jury de Greta Gerwig, où siégaient également les acteurs Omar Sy, Lily Gladstone et Eva Green, le prix collectif attribué aux actrices de la comédie musicale de Jacques Audiard, Emilia Perez. Le prix fera date, puisqu'outre Selena Gomez, Zoe Saldana et Adriana Paz, est distinguée pour la première fois une actrice transgenre, Karla Sofía Gascón. L'Espagnole de 52 ans, qui a entamé sa transition de genre à 46 ans, est la révélation de ce film dont elle tient le rôle principal, celui d'un narcotrafiquant qui se sent profondément femme et change de genre.

Karla Sofía Gascón a dédié son prix à "toutes les personnes trans qui souffrent". "Je veux que ces personnes arrivent à croire comme dans 'Emilia Perez' qu'il est toujours possible de s'améliorer". Grand favori, l'Iranien Mohammad Rasoulof repart finalement avec un prix spécial pour Les graines du figuier sauvage, tourné en clandestinité.

Le prix est un symbole pour les artistes iraniens victimes de la répression, et une consécration pour un réalisateur qui a bravé la censure pendant des décennies avant de se résoudre à l'exil, à quelques jours du Festival. Il faisait à Cannes sa première apparition publique depuis. "Permettez-moi d'avoir une pensée pour tous les membres de mon équipe qui ne sont pas avec moi pour célébrer ce prix. Mon chef opérateur, nombre de techniciens, qui sont sous pression. Mon cœur est avant tout avec eux", a déclaré Mohammad Rasoulof.

La jeune cinéaste indienne Payal Kapadia auréolée du Grand Prix

Dans le reste du palmarès, l'acteur américain Jesse Plemons a reçu le prix d'interprétation masculine pour sa performance dans le dernier Yorgos Lanthimos, et la jeune cinéaste indienne Payal Kapadia, représentante d'un 7e art dans l'ombre de Bollywood, a reçu le Grand Prix. All we imagine as light était le premier film indien en compétition depuis 30 ans. Une autre réalisatrice a été primée : la Française Coralie Fargeat, primée pour son deuxième long-métrage The Substance, un film féministe ultra-gore avec Demi Moore, qui a décoiffé la Croisette.

Les grands déçus de ce festival sont les légendes du Nouvel Hollywood, dont les œuvres, crépusculaires, sont reparties bredouille. C'est le cas de Francis Ford Coppola, qui briguait à 85 ans une troisième Palme d'or. Et de Paul Schrader, d'abord connu comme scénariste de Martin Scorsese avant de devenir un cinéaste établi, dont le film Oh, Canada!, avec Richard Gere en vieil homme mourant, a déçu. Hollywood n'en était pas moins à la fête tout au long de cette édition, marquée aussi par la présentation hors compétition des films de Kevin Costner ou de Furiosa, dérivé de Mad Max.

Voici le palmarès du 77e Festival de Cannes :

Palme d'or

Anora de Sean Baker

Grand Prix

All we imagine as light de Payal Kapadia

Prix de la mise en scène

Miguel Gomes pour Grand Tour

Prix du jury

Emilia Perez de Jacques Audiard

Prix spécial

Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof

Prix du scénario

The Substance de Coralie Fargeat

Prix d'interprétation féminine

Les actrices d'Emilia Perez de Jacques Audiard : Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz

Prix d'interprétation masculine

Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos

Caméra d'or

Armand de Halfdan Ullmann Tondel

Palme d'or du court métrage

The man who could not remain silent de Nebojsa Slijepcevic

Palme d'or d'honneur

George Lucas