Fanny Ardant : "J'aime assez la violence"

© JOHANNA LEGUERRE / AFP
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Aurélie Dupuy

Tout sauf tiède, l'actrice aux allures de grande bourgeoise, a donné la réplique au chanteur Vianney dans le film "Ma mère est folle". Elle y joue une femme qui ne se résigne pas. Comme elle.

Elle est excentrique, menteuse, dingue. Ce sont les caractéristiques de Nina, le personnage qu'incarne Fanny Ardant dans Ma mère est folle, le nouveau film de Diane Kurys en salles le 5 décembre. Dans le long-métrage, Nina veut faire un "go fast" pour rembourser ses dettes. "J’aime beaucoup les outsiders. Ce que j’aimais dans ce rôle de Nina, c’est qu’elle ne se résignait jamais", indique l'actrice, qui a donné rendez-vous dans Paris à Frédéric Taddéï pour l'émission En balade avec.

"Pour les rendez-vous clandestins". L'actrice a choisi les arènes de Lutèce dans le quartier latin, près de son domicile. Elle a découvert l'endroit "en errant", dit-elle de sa voix mystérieuse. "Ce que j’aime dans cet endroit, c’est que c’est pour les rendez-vous clandestins, les deals." On se dit alors que la comédienne, volontiers tragédienne, a choisi un lieu qui lui convient comme un gant. Parce qu'elle a longtemps vécu en Italie, qu'elle est faite pour la tragédie et qu'elle est loin du politiquement correct. Elle le confirme instantanément : "J’aime assez la violence. Mais dans la corrida, je suis pour le taureau. Je veux que le toréador soit tué. Là, je serais pour l’homme tout seul", lance-t-elle à l'évocation des combats de gladiateurs. 

"Autour de la femme". En tragédienne, ses débuts d'actrice ont eu lieu sur les planches des théâtre. "J’ai eu pas mal de fours. Je pense que les insuccès m’ont plus galvanisé que les succès". Seul jouait lui importait. Le reste lui était égal. Sa carrière est néanmoins auréolée de noms prestigieux : Truffaut, Lelouch, Resnais, Costa-Gavras, Ozon... Elle n'a pas manqué de beaux rôles. "Quand je regarde le cinéma français, ou même la littérature française depuis longtemps, tout est construit autour de la femme. Elle a le rôle moteur", assure-t-elle.

Les serpents autour des doigts, "ça s'est fait comme ça", raconte l'actrice avant de rire. Crédit : JOHN MACDOUGALL / AFP

"Etre libre". Une pensée qui tranche avec les critiques récentes sur le milieu du cinéma, jugé oppresseur pour les femmes et la campagne #metoo. "J’ai rarement parlé au nom d’un groupe. Je ne vais parler qu’en fonction de ma biographie. J’ai grandi avec des hommes exceptionnels. L’image des hommes que je me suis faite était magnifique. J’étais quelqu’un qui voulait être libre, donc la liberté, je l’ai arrachée. Je n’ai pas demandé la permission. Je n’ai pas demandé qu’on me protège. Je comprends peut-être qu’on puisse protéger quelqu’un de plus fragile. Une loi est faite pour protéger les faibles mais le fort ne doit pas faire amende honorable. Si j’étais dans un pays en Afrique ou certains pays arabes, mon discours aurait été le même", tranche-t-elle, à contre-courant. 

Bunny raté. Chemin faisant, le duo arrive devant l’église Saint-Severin. Née à Saumur, elle a grandi à Monaco auprès d'un père officier de cavalerie, gouverneur militaire de la Principauté, ami avec le prince Renier. Puis elle a fait Sciences-Po. "J’aime les études qui ne vous apportent pas un métier. Il ne faut pas les faire pour avoir un métier mais pour ouvrir les horizons", glisse-t-elle, en grande bourgeoise.

"Pour gagner sa vie, il faut faire un truc qui ne vous encombre pas l’esprit, parce que si on a dominé votre esprit, vous êtes perdu." Appliquant ses propres principes, elle a tenté de devenir Bunny au Playboy club de Londres "pour gagner sa vie facilement, chanter, danser, faire l'idiote tous les soirs de 11 h à 2 h." Mais elle a été recalée pour le poste tout en étant engagée dans les bureaux administratifs. Les filles "venaient toutes fumer des cigarettes dans mon bureau. (...) Des beaux Anglais riaient comme des chevaux. J’ai un souvenir magique de ça peut-être parce que j’étais outsider, je n’avais pas d’argent, j’étais laissée sur le bord du chemin."

Entendu sur europe1 :
J'ai beaucoup aimé Vianney, son intelligence. On est très éloignés l’un de l’autre au niveau de la pensée, mais c‘est un vrai interlocuteur, un type assez intelligent pour avoir une dialectique, et le sens de l’humour

"Avant de me rendre, il m'en faut beaucoup". A nouveau dans les rues de Paris, elle loue la beauté de la capitale. "Quand vous vous promenez dans Paris et que vous êtes très malheureux, on peut s’arrêter une minute devant la beauté de Paris et se dire 'je serai malheureux plus tard'." En marchant, elle explique ce qu'elle a de commun avec son personnage : "Avant de me rendre, de me résigner, il m’en faut beaucoup, avec au fond, une sorte de mépris des lois. Je trouve normal qu’il y ait des lois et normal qu’il y en ait qui les enfreignent. Sinon que feraient la police, les juges ?", lance-t-elle.

Durant le tournage, elle a donné la réplique au chanteur Vianney, qui joue son fils. "J’ai beaucoup aimé ce jeune homme, son intelligence. On est très éloignés l’un de l’autre au niveau de la pensée, mais c‘est un vrai interlocuteur, un type assez intelligent pour avoir une dialectique, et le sens de l’humour. Et c’est bien de pouvoir dire à quelqu’un 'vous pouvez me chanter cette chanson ?'.

Le dimanche, livres et chocolats. Au square de la Sorbonne, elle s'assoit sur un banc avant de se rendre à la librairie Compagnie, qu'elle aime beaucoup. "Je ne lis pas les journaux, donc je ne sais pas ce qui sort, je ne connais pas les critiques." Mais elle aime les livres : "La littérature est une voix dans le noir. Quelqu’un dit quelque chose comme si ça vous était directement adressé."

Lire est d'ailleurs ce qu'elle fait le dimanche, en plus de manger des chocolats. Les livres lui ont aussi rappelé la France quand elle vivait à l'étranger : "Je suis très peu nationaliste, mais c’était des histoires d’odeurs, de pommes de terre, de pain, de livres. Je me suis fait une idée de Venise grâce aux romans. Quand vous lisez Balzac, vous avez envie d’aller en Touraine, en Anjou. C’est comme le cinéma, ça isole une beauté que vous n’auriez pas vue."