Europe 1 s'est glissé dans la peau du héros de Sérotonine, "le meilleur roman" de Michel Houellebecq

Michel Houellebecq
Le dernier roman de Michel Houellebecq,"Sérotonine", est sorti ce vendredi en librairies. © AFP
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Nicolas Carreau, édité Clémence Olivier , modifié à
Le journaliste littérature d'Europe 1, Nicolas Carreau, s'est glissé dans la peau du personnage principal du nouveau roman de Michel Houellebecq, "Sérotonine", en librairie à partir de vendredi.
REPORTAGE

L'auteur Michel Houellebecq fait son retour vendredi dans les librairies. Son nouveau roman, Sérotonine, a été tiré par Flammarion à 320.000 exemplaires. Nicolas Carreau, journaliste littérature d'Europe 1, l'a lu et l'a aimé. Il s'est même glissé dans la peau du héros du roman, Florent-Claude Labrouste.

"J'ai réalisé une expérience extrême, je me suis glissé dans la peau de Florent-Claude Labrouste, le héros de Sérotonine, le dernier roman de Michel Houellebecq, sorti ce vendredi. J'ai traîné toute la soirée dans le quartier décrit par l'auteur, dans le 13ème arrondissement de Paris, place d'Italie. Et je viens de passer la nuit dans l'hôtel Mercure du roman, avenue de la Rosalie. C'est là que le héros commence à sombrer dans une solitude intense et définitive.

Cet homme était contractuel pour le ministère de l'Agriculture. Il vivait avec une femme qui le méprisait et lui ne l'aimait pas tellement non plus. Un jour, il décide de disparaître, de s'évaporer sans prévenir personne. Il s'arrête dans cet hôtel, le seul qui propose des chambres fumeurs. C'est fondamental pour lui.

Des descriptions exactes. Cela fait une drôle d'impression de se retrouver dans le roman. La description de la réception est exacte, celle de la réceptionniste aussi. Pour la chambre, voilà ce qu'il écrit : "10m² tout compris, le lit double occupait tout l'espace. Face à lui, sur une étroite console, était posée l'indispensable télévision et un plateau de courtoisie, c'est à dire une bouilloire, des tasses de carton et des dosettes de café soluble. On avait encore réussi dans cet espace restreint à caser un mini-bar et une chaise faisant face à un miroir de 30cm de coté et voilà c'était tout. C'était ma nouvelle maison."

J'y suis sur la chaise en question, le miroir face à moi, les gobelets à portée de mains. Même le petit carton sur la poignée de porte avec inscrit 'chut je dors', qui est décrit dans le roman, est bien là. Le quartier est également décrit dans le livre. Le Carrefour city est à sa place. Et j'ai poussé le vice jusqu'à aller dîner jeudi soir au O'Jules qui devient le QG de Florent-Claude. J'en ai parlé au serveur, Patrice. Il savait que Houellebecq était familier de l'endroit, qu'il traînait un peu dans le coin. Je lui ai tendu les pages qui concernaient son établissement et il a commencé à lire.

De Paris à la Normandie. Tout le livre ne se passe pas dans le même quartier. Florent-Claude part notamment en Normandie à la recherche de l'amour de sa vie. Il croisera au passage des agriculteurs en colère. Ce sera l'occasion de montrer d'autres réalités. Il revient ensuite à l'hôtel Mercure mais pas longtemps car l'hôtel arrête de proposer des chambres fumeurs, et ça c'est inenvisageable pour lui !

Un bon Houellebecq ? A mon avis, c'est son meilleur roman et c'est celui qui le résume le mieux. Au fond, dans ce livre il décrit un hôtel qui ressemble à beaucoup d'autres hôtels, un restaurant qui ressemble à beaucoup de restaurants mais il a une manière de dire, un style qui font observer les choses et les endroits différemment. C'est ça la force de Houellebecq, de nous faire changer de vision même si parfois c'est une vision désespérée.

En octobre dernier, je l'avais rencontré et c'est ce qu'il m'avait expliqué : "Effectivement, il y a une catégorie de phénomènes du monde qualifiés de 'Houellebecquiens' qui n'avaient pas été décrits avant moi. On peut me louer pour ça, pour avoir repéré des modes d'être du monde", expliquait-il. Et d'enchaîner : "Ça peut rendre inapte à la vie mes livres. Ça peut provoquer des ruptures dans un cours de vie. Ça peut être une responsabilité lourde d'écrire des livres et je ne veux pas m'y soustraire face à une activité sérieuse".