De la rue de Rivoli à l'Arc-de-Triomphe, ce que Paris doit à Napoléon Ier

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© PATRICK KOVARIK / AFP
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Romain David , modifié à
Invité de Wendy Bouchard dans "Le Tour de la question" sur Europe 1, l'historien Dimitri Casali évoque quelques-unes des transformations que l'empereur a entrepris à Paris, et qui sont toujours visibles deux siècles plus tard.
LE TOUR DE LA QUESTION

"Je voulais que cette capitale écrasât par sa splendeur toutes celles de l'univers". L'ambition architecturale de Napoléon-Bonaparte pour Paris fut sans limite. Si la postérité retient d'abord les transformations effectuées par le baron Haussmann à la demande de Napoléon III, ce dernier s'est en vérité très largement inspiré des plans imaginés par son oncle et prédécesseur.

Arrivé au pouvoir à l'aube du XIXème siècle, Napoléon Ier a souhaité faire de Paris, quelque peu délaissée dans les dernières années de l'ancien régime, une ville moderne, comme l'explique l'historien Dimitri Casali, qui publie chez Télémaque Paris Napoléon(s), un guide du Paris voulu par les deux empereurs. Au micro de Wendy Bouchard, dans Le Tour de la question sur Europe 1, il évoque ce que "la plus belle ville du monde" doit au "Petit Caporal".

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Les traces de Révolution. "Des 1799 et le coup d'État du 18 brumaire, Bonaparte s'étonne qu'une ville comme Paris soit abandonnée", rapporte l'historien. Dix années de troubles politiques ont laissé sur la capitale une triste empreinte. "Il faut dire que la Révolution française a fait beaucoup de mal aux monuments. Ils sont tous plus ou moins abandonnés. Certains biens publics ont été rachetés par des bourgeois. Les hôtels particuliers sont à l'abandon et Le Louvre, en particulier, est habité par des artistes qui campent à l'intérieur des couloirs. C'est un véritable squat!", détaille Dimitri Casali. "Napoléon va mettre bonne ordre dans tout ça."

Place nette ! "Pour embellir Paris, il y a plus à démolir qu'à construire", aurait confié Napoléon au baron Fain, son secrétaire particulier. De fait, l'empereur se soucie de clarifier un urbanisme anarchique, largement hérité du Moyen Age, et d'optimiser la circulation parisienne. "Il a remarqué qu'il était pratiquement impossible de circuler dans Paris. On ne pouvait pas aller de la rive gauche à la rive droite, par manque de voie directe", explique notre historien. "Il va lancer l'idée d'un grand axe Nord-Sud et Est-Ouest avec le tracé de la rue de Rivoli".

L'Arc-de-Triomphe, un géant de pierre. La place de la Concorde et l'avenue des Champs-Elysées sont cœur de ce dispositif : au nord de la place, la façade de l'Eglise de la Madeleine, d'abord pensée comme un temple grec à la gloire de la Grande Armée, et au sud le Palais Bourbon, qui lui répond avec sa colonnade à l'antique imaginée en 1806. A l'ouest enfin, sur la butte de l'Etoile : l'Arc-de-Triomphe, directement inspiré de l'arc romain de Septime Sévère, mais dont les proportions ont été multipliées par quatre. Il ne sera fini qu'en 1836, sous le règne de Louis Philippe. Napoléon III parachève le projet en faisant percer les douze avenues qui entourent le monument. Napoléon Ier impose aussi le numérotage des immeubles de Paris, formé de nombres pairs pour le côté droit, et de nombres impairs pour le côté gauche.

Le "Grand Dessein" du Louvre. Ce travail de déblayage permet également de mettre en valeur des monuments souvent noyés dans un enchevêtrement de ruelles. L'ensemble formé par le Louvre et le palais des Tuileries - que la Commune de 1871 n'a pas encore livré aux flammes - en est l'un des premiers bénéficiaires. Le petit quartier qui sépare les deux édifices est rasé. "Le grand est toujours beau et je ne saurais me décider à partager en deux un espace dont le principal avantage doit être la grandeur. Tout ce que l'on pourra mettre entre le Louvre et les Tuileries ne vaudra jamais une belle cour", estime l'empereur, qui fait installer dans l'espace ainsi dégagé l'arc du Carrousel. Là encore, c'est Napoléon III qui termine la réunion des deux palais en faisant édifier l'aile qui longe la rue de Rivoli jusqu'au pavillon de Flore.

Une ville propre et respirable. "Napoléon va aussi assainir Paris", explique Dimitri Casali. Et notamment en facilitant l'accès à l'eau potable. "Il créé 15 fontaines pour apporter de l'eau, dont certaines sont toujours opérationnelles, comme la fontaine du Fellah rue de Sèvres [dans le 7ème arrondissement, ndlr]". Ce travail d'assainissement est, une fois de plus, poursuivie par Napoléon III qui va faire creuser plus de 300 kilomètres d'égouts. Par ailleurs, "les poumons verts de Paris : le bois de Boulogne, celui de Vincennes et les Buttes-Chaumont sont l'œuvre directe de Napoléon III qui voulait redonner de l'air à Paris", glisse l'historien.

L’ingratitude des Parisiens ? Si le Corse a laissé une marque durable sur Paris… la postérité lui rend plutôt mal. En effet, aucune rue ni place ne porte le nom de "Napoléon" dans la capitale. "À partir de la Troisième République, les républicains ont voulu gommer les traces des deux régimes impériaux. Il n'y a pas une seule avenue ni un seul boulevard qui porte le nom de Napoléon Ier, mais il y a une rue qui s'appelle Bonaparte [dans le 6ème arrondissement, ndlr], du nom du général révolutionnaire", relève Dimitri Casali.

À partir du XXème siècle, le percement du métro permet toutefois de rendre un hommage "sous-terrain" à l'empereur, puisque pas moins de 50 stations portent un nom directement tiré de l'épopée napoléonienne et de ses plus illustres protagonistes : Austerlitz, Iéna, Pyramides, Drouot, Duroc, etc.