Comment (et pourquoi) les Rois de France faisaient-ils la fête ?

Les rois François Ier et Louis XIV organisaient de grandes fêtes. Photo prise lors d'un festival à Versailles en 2015.
Les rois François Ier et Louis XIV organisaient de grandes fêtes. Photo prise lors d'un festival à Versailles en 2015. © ERIC FEFERBERG / AFP
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Manon Bernard
À l’époque de François Ier puis, un peu plus tard, de Louis XIV, on savait déjà faire la fête. Les pièces entières étaient recouvertes d’or jusqu’au moindre millimètre, des buffets gigantesques étaient servis et des centaines de nobles chantaient les louanges de leur Roi. C’est le récit que conte Stéphane Bern, dans l’émission Historiquement Vôtre, sur Europe 1.

Alors que les Français s'apprêtent à réveillonner pour fêter 2021, Europe 1 se demande comment et pourquoi les Rois de France faisaient la fête. Dans l'émission Historiquement Vôtre, Stéphane Bern nous décrit les immenses festins organisés par François Ier et Louis XIV

Il n’y a ni DJ, ni paillettes, mais il n’y a qu’une seule star : le Roi. Il est vénéré par le peuple qui le pense être l’incarnation de Dieu sur Terre. Il est jalousé par la cour qui ne rêve que de le remplacer au moindre faux pas.

François Ier, bâtisseur emblématique des châteaux de la Loire, l’a bien compris. Dans Historiquement Vôtre, Stéphane Bern le décrit comme "un roi sans talent, un belliqueux qui passe la moitié de son règne à faire la guerre, perdre beaucoup, et matraquer le peuple d’impôts". Mais il décrit aussi un François Ier qui sait que pour être aimé, il faut faire la fête. Alors pour se célébrer lui-même, il embauche à l’époque un certain… Léonard de Vinci. Ce qui aboutit sur la célèbre "fête du paradis", en juin 1518.

Stéphane Bern raconte : "Dans le jardin, Léonard de Vinci a décidé de recréer ‘une nuit dans la nuit’. Imaginez là-haut des draps tendus sur plusieurs dizaines de mètres reproduisant la voie lactée ! Imaginez des planètes artificielles couleur or, qui semblent se mouvoir comme par enchantement. On reconnaît là l’œuvre de l’artiste ingénieur, qui cache ses engrenages sous un double plafond afin de faire tourner ces étoiles et planètes". François Ier est littéralement placé au centre de l’univers. Et le menu de cette petite sauterie a, selon la légende, "inspiré Gargantua" de Rabelais. Rien que cela.

Quelques années plus tard, Louis XIV reprend la couronne du roi de la fête. Le souverain multiplie les parties de chasse, les activités aquatiques, les jeux, les bals voire même les courses de traineaux l’hiver. Et quand il se promène dans le jardin avec sa cour, "les fontaines s’agitent lors de son passage", glisse Stéphane Bern. Il ajoute : "le message est clair : tout obéit au roi".

La fête comme une arme diplomatique

Les Rois de France misent en fait sur des journées et soirées endiablées pour mieux contrôler leur territoire. François Ier souhaite redorer son blason guerrier. Dans les années 1510-1520, la France est isolée en Europe. Il tente alors désespérément de se rapprocher du souverain d’Outre-Manche : Henri VIII. Mais pour le mettre dans sa poche, il faut sortir le grand jeu car la guerre de cent ans entre les deux nations ne s’est achevée que 70 ans auparavant.

Un vrai combat de coq se dessine alors à Calais, occupé à l’époque par les Anglais. "D’un côté Henri VIII fait construire une ville avec des palais éphémères en verre constitués de vitraux somptueux et de bois, un hôtel de ville et même une cathédrale. De l’autre, François Ier fait broder 400 tentes et pavillons d’un camp immense, au fil d’or et de soie. Plusieurs seigneurs français seraient même allés jusqu’à sacrifier leur forêt, leurs prés ou leurs moulins pour se confectionner des vêtements d’une richesse inédite", narre Stéphane Bern.

Pour le banquet, les cuisiniers ont eu besoin de "100.000 œufs, 3.000 moutons et agneaux, 800 veaux et 300 bœufs (…) arrosées de 66.000 litres de bière et 200.000 litres de vin", ajoute le chroniqueur.
Au total, ce sont 18 jours de fête qui se sont écoulés pour que le souverain anglais choisisse finalement de signer un accord avec l’ennemi français, le roi du Saint-Empire germanique Charles XV. Une méthode qui se solde par un échec donc mais qui peut, selon Stéphane Bern être comparable à "certains chefs d’Etat aujourd’hui, quand on voit à quel point, pour la diplomatie, on veut impressionner l’autre".

"Divertir pour mieux régner"

C’est une autre affaire qui pousse Louis XIV à organiser plusieurs festins. Un traumatisme plutôt : celui de la fronde. "Alors qu’il n’a que 9 ans, le jeune Louis est réveillé à trois heures du matin dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649. Le maréchal de Villeroy, son gouverneur, l’habille à la hâte et le pousse à rejoindre sa mère, Anne d’Autriche, dans un carrosse. La famille royale fuit secrètement Paris, en proie à la rébellion des nobles", raconte Stéphane Bern. "Mais arrivés au château de Saint-Germain, les fugitifs trouvent un endroit dévasté, sans feu ni meuble. La première nuit, tout le monde dort sur la paille, grelottant. Et dans les jours qui suivent, les diamants de la couronne sont mis en gage pour subvenir aux besoins de première nécessité".

Après cet événement, le Roi Soleil adopte la stratégie du "divertir pour mieux régner" et fait de ces fêtes des armes. Il va d’ailleurs, pour mieux recevoir ses invités et montrer sa puissance dans toute l’Europe, faire construire le célèbre château de Versailles. À son installation, une semaine entière de festivités est déclarée. C’est à cette occasion que, pour la première fois, Molière joue Tartuffe, souligne Stéphane Bern. Les réjouissances sont tellement impressionnantes dans ce château encore en travaux que, selon la légende, certains convives ont dû "dormir dans leurs carrosses", souffle le chroniqueur d’Europe 1.