Cinéma français : qui finance quoi ?

Cinéma
Le discours de la Palme d'or Justine Triet, accusant le gouvernement de vouloir "casser l'exception culturelle" a relancé le débat sur le financement du cinéma français © AFP" data-image-id="60212268-5">
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avec AFP
Le discours de la Palme d'or Justine Triet, accusant le gouvernement de vouloir "casser l'exception culturelle" lors de la clôture du 76e Festival de Cannes, a relancé le débat sur le financement du cinéma français. Retour sur un système vertueux et complexe.

Le discours de la Palme d'or Justine Triet, accusant le gouvernement de vouloir "casser l'exception culturelle" lors de la clôture du 76e Festival de Cannes, a relancé le débat sur le financement du cinéma français. Retour sur un système vertueux et complexe.

Quels financements ?

"Quoi que vous pensiez des propos de Justine Triet, cessez de parler d'argent public et renseignez vous sur le CNC et son financement", affirmait lundi sur Twitter Pierre Lescure, l'ancien président du Festival de Cannes. Car les aides en faveur du cinéma ne proviennent pas de l'impôt mais principalement de taxes sur le prix des entrées et les recettes publicitaires des chaînes de télévision. 

Ainsi, un peu plus de 10% d'une place de cinéma (film français ou étranger) revient au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), tout comme la taxe payée par les chaînes en fonction de leurs recettes publicitaires, qui représente la plus grosse part du budget du CNC (70% en 2022).  

Les chaînes de télévision ont aussi l'obligation d'investir dans le cinéma par le biais de coproductions ou l'achat de droits de diffusion. Face à l'essor du streaming, une taxe sur les abonnements, comme à Netflix ou Amazon Prime, a été mise en place. Depuis 2021, ces plateformes doivent aussi consacrer 20 à 25% de leur chiffre d'affaires en France au financement de la production d'œuvres audiovisuelles (séries, fictions, spectacle vivant, théâtre, etc.) et cinématographiques. Une contribution jugée insuffisante par plusieurs associations de production audiovisuelles françaises. 

Quelles aides ?

En 2022, le CNC a redistribué 291 millions d'euros d'aides pour le cinéma (aides à la création, aides à la production, aides à la diffusion des œuvres ou encore aides destinées à la restauration du patrimoine cinématographique).

Selon un mécanisme vertueux, les films à succès financent en partie les autres, à travers une première aide à la production. 

Maillon essentiel de la politique culturelle française, ce système d'avance sur recettes fête ses soixante ans. Le dispositif a été mis en place en 1959 par le ministre de la Culture André Malraux. 

L'attribution des avances sur recettes est décidée après avis de commissions composées de personnalités reconnues de la profession (réalisateurs, scénaristes, producteurs, techniciens). Chaque année, une soixantaine de films en bénéficient, pour un montant moyen de 500.000 euros, ce qui a été le cas pour Justine Triet et "Anatomie d'une chute", qui a remporté la Palme d'or. Ces avances sont remboursables selon le succès du film. 

Selon leur politique culturelle, les conseils régionaux peuvent aussi proposer des aides à la production pour les films tournés sur place.En outre, le crédit d'impôt cinéma permet à une société de production de déduire de son imposition 30% du coût de production d'un film. L'an dernier, 157 films en ont bénéficié. Le tournage en France est également favorisé.

Le CNC soutient aussi les exploitants de salles de cinéma pour des travaux d'équipement, de modernisation ou de créations de salles. 

Quelles craintes ? 

Il y a "un glissement lent vers l'idée qu'on doit penser à (la) rentabilité des films", a exposé Justine Triet, après son discours sans concession et très anti-gouvernement à Cannes. "Évidemment, dans ma position, j'ai une grande facilité à financer mes films, mais je vois bien autour de moi que, pour les gens qui démarrent, les plus petites productions, c'est plus difficile".

Depuis 2019, le milieu s'inquiète d'un rapport réalisé par Dominique Boutonnat, devenu depuis le patron du CNC, sur le financement du cinéma, préconisant de développer la part du privé en complément des soutiens publics existants.

Dans un communiqué mardi, la Société française des réalisatrices et réalisateurs (SRF) a manifesté "sans réserve" son soutien à la réalisatrice primée. "Notre système vertueux de soutien au cinéma a besoin d'être protégé. Aujourd'hui, la compétitivité et la rentabilité s'imposent malheureusement en faveur de films susceptibles de faire le plus d'entrées", a dit Rosalie Brun, déléguée générale de la SRF, à l'AFP. 

"Il faut que les cinéastes puissent créer sans s'inquiéter de l'objectif économique. On tire la sonnette d'alarme depuis longtemps".