Frédéric Beigbeder était l'invité de Nicolas Carreau dimanche sur Europe 1. 2:22
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Laetitia Drevet , modifié à
Frédéric Beigbeder vient de publier aux éditions de L'Observatoire son nouveau livre "Bibliothèque de survie", dans lequel il célèbre des ouvrages d'Alain Fournier, Virginie Despentes et Francis Scott Fitzgerald. "J’aime les livres qui provoquent, qui donnent envie de s’engueuler", raconte-il dimanche sur Europe 1.
INTERVIEW

"Le but de l’ouvrage que vous tenez entre les mains est de dire que la littérature ne doit pas être édulcorée, nettoyée ou purifiée. Les meilleurs livres sont souvent salaces, répugnants, couverts de crachats, obscènes (…) Ils explorent les limites, dépassent les bornes, enfreignent les interdits." Ainsi commence le dernier livre de Frédéric Beigbeder, Bibliothèque de survie, tout juste paru aux éditions de L'Observatoire. L'écrivain-journaliste y célèbre 50 ouvrages indispensables selon lui "pour survivre dans le monde d'aujourd'hui". S'y croisent Alain Fournier, Colette, Philip Roth, Virginie Despentes et Francis Scott Fitzgerald. "J’aime les livres qui provoquent, qui donnent envie de discuter, de s’engueuler. J'ai besoin d’être choqué, je milite contre l’ennui", raconte l'écrivain, dimanche au micro de Nicolas Carreau, sur Europe 1.

Le scandale de Bret Easton Ellis et la modernité de Colette

Rien d'étonnant, donc, à trouver Bret Easton Ellis en bonne place dans le panthéon littéraire de Frédéric Beigbeder. "Quand il a terminé American Psycho, plusieurs éditeurs l'ont refusé. Oui, c'est l'histoire d'un psychopathe, d'un homme horrible et qui a tous les défauts de l'Amérique. Oui, c'est un livre ultra-violent, porno, sadique. Mais évidemment que l'on doit pouvoir raconter ces histoires", affirme l'écrivain. Il s'élève contre la "cancel culture" américaine, dans laquelle il retrouve la "morale puritaine" qui avait tenté de censurer à la fin du XIXème siècle les œuvres de Charles Baudelaire et de Gustave Flaubert. "Avec Ellis, la censure puritaine a vaincu : il n'est plus l'auteur à succès qu'il était dans les années 1980."

Tout au long de son livre, Frédéric Beigbeder explore au travers des œuvres citées les notions de bien et de mal, qu'il préfère confondues qu'opposées. "Cocteau disait par exemple que Colette avait l'innocence de ne pas choisir entre les deux." De l'auteure, il cite Le pur et l'impur, où elle raconte opium, alcool et autres plaisirs charnels, à travers 40 ans de vie parisienne. "Elle ne tranche pas entre le bien et le mal, ce qui est d'une grande modernité", pointe Frédéric Beigbeder. 

"La liberté est plus importante que la morale dans la littérature"

Il célèbre aussi bien la féérie du Grand Meaulnes, d'Alain Fournier, que l'angoisse des Carnets de sous-sol, de Fiodor Dostoïevski, dans lequel un homme refuse de sortir de chez lui par peur de l'humanité. "C'est un anti-héros, un mélange de Cioran et Houellebecq", sourit l'écrivain. Dans sa bibliothèque imaginaire, Fitzgerald trône aussi en bonne place. "J'ai commencé à l'aimer pour de mauvaises raisons. Pour les femmes en belles robes, les jeunes gens tristes et les fêtes fabuleuses. En mûrissant, je m’aperçois que ses livres sont plus profonds que ça. Et qu'ils sont beaucoup plus mélancoliques que festifs." Frédéric Beigbeder s'attarde sur La fêlure, un recueil de nouvelles envoutantes, où l'écrivain américain évoque sa dépression et son alcoolisme, renouvelant selon le critique "le genre de la confession autobiographique". 

Au fil des pages, un point commun semble lier les auteurs célébrés par Frédéric Beigbeder. "Beaucoup d'écrivains que j’admire ont fait scandale. Il est crucial de répéter que la liberté est plus important que la morale dans la littérature."