Bertrand Blier a attendu neuf ans pour sortir un film, après Le bruit des glaçons en 2010 1:14
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Aurélie Dupuy , modifié à
Comme des "frères", c'est ainsi que le réalisateur juge sa relation avec le monstre du cinéma français. Il le met à nouveau en scène avec Christian Clavier dans "Convoi exceptionnel".
INTERVIEW

S'il avait eu le scénario de sa vie, Bertrand Blier aurait fait en sorte d'avoir "une plus grande influence sur le public", assure-t-il dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, samedi. "Ma carrière est amusante. Elle est ponctuée de succès mais aussi d’échecs. Quand ça ne marche pas, c’est pénible", dit-il alors que son dernier film Convoi exceptionnel est sorti en salles depuis mercredi. Dans ce nouveau long-métrage, le premier depuis 2010 et Le bruit des glaçons, le cinéaste oscarisé en 1979 met en scène le duo Clavier-Depardieu, qui courent après le scénario de leur vie.

Un duo complice. Christian Clavier joue un bourgeois qui possède sur papier le scénario de sa vie quand Gérard Depardieu campe "une espèce de cloche qui n’a rien et ne comprend pas", glisse le réalisateur. Les deux acteurs français n'en sont pas à leur coup d'essai. Ensemble, ils avaient déjà été Astérix et Obélix. Ils avaient entre autre aussi joué Les Misérables. Avec cette réalisation, Blier fait enfin tourner Clavier qu'il suivait depuis Les Bronzés. "Il m’avait toujours beaucoup fait rire, comme toute la bande" du Splendid dont le réalisateur a d'ailleurs fait jouer les membres un à un.

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On a fait Les Valseuses et on a continué. C’était évident et pour lui et pour moi qu’il fallait qu’on fasse des films ensemble. Et plein.

LA rencontre d'une vie. Pour Depardieu, c'est encore autre chose. C'est la rencontre en lettres majuscules, celle qui compte dans une carrière. Elle a lieu en 1973. Depardieu fait la cour pour intégrer le casting des Valseuses. Et réussit. "On s’est rencontré alors qu’on était très différents et on s’est aperçu qu’on était des frères. On a fait Les Valseuses et on a continué. C’était évident et pour lui et pour moi qu’il fallait qu’on fasse des films ensemble. Et plein. On aurait pu en faire plus. Pour l’instant, on est à huit. C’est le meilleur acteur d’Europe. C’est facile, on l’a, on dit moteur on tourne. Jamais, je n’ai eu à lui faire des recommandations, ce que l’on appelle de la direction d’acteur", décrit le cinéaste, plus qu'élogieux. Chose rare, il a d'ailleurs laissé son ami improviser sur plusieurs minutes en fin de film.

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Quand Orange mécanique existe, on ne fait pas les mêmes Valseuses que s’il n’y avait pas Orange mécanique. Il y a de la violence, de l’audace, quelque chose que Kubrick a porté, que l’on n’a plus aujourd’hui.

Le moteur Orange mécanique.Les Valseuses, ce film est aussi le tournant de la carrière de Blier. Commencée quelques années auparavant, elle s'étiolait alors qu'il n'avait pas trente ans. "J'étais ringard", avant d'être vieux. Il se met alors à écrire des romans. Les Valseuses version livre est un succès. Il l'adapte alors pour le cinéma et fait plus de cinq millions d'entrées. C'est un conte de fées au goût de scandale, pour la crudité et l'érotisme du film. "Quand j’ai fait Les Valseuses, le film qui était sorti l’année d’avant, c’était Orange mécanique. C’est un moteur extraordinaire. Quand Orange mécanique existe, on ne fait pas les mêmes Valseuses que s’il n’y avait pas Orange mécanique. Il y a de la violence, de l’audace, quelque chose que Kubrick a porté, que l’on n’a plus aujourd’hui", souligne Bertrand Blier.

"Envie de faire sauter la banque". Le cinéaste a d'ailleurs voulu garder cette insolence, avoir l'image de mauvaise graine du cinéma français. Mais ne se l’explique guère. "A mon âge (80 ans, ndlr.), on se pose quand même beaucoup de questions" dont celle de savoir pourquoi il se montrait tel un "voyou". "Je n'ai jamais été élevé comme un voyou. J’ai eu des lectures de voyou. Mon père (l'acteur Bernard Blier) quelque part était assez voyou aussi. Quand j’ai fait des films, particulièrement Les Valseuses, c’était vraiment un film de voyou. C’est pour ça qu’il a marché. Je sentais à cette époque-là, j’avais la rage, envie de faire sauter la banque. Pourquoi ? Je ne sais pas, je n’avais pas de raison, c’était un truc de culture", conclut le réalisateur qui se dit désormais plus policé.

Pourquoi Bertrand Blier n'a pas réalisé  "Existe en blanc" : "Je n'ai pas envie de finir sur une image de monstre"

"Je suis venu pour vous faire chier". C'est avec cette réplique notée sur une feuille volante mise devant lui que Bertrand Blier a écrit toute une pièce de théâtre. Son troisième roman, Existe en blanc, a été écrit avec un procédé similaire. Une simple phrase a donné lieu à l’écrit entier. "Ça commence par 'J’ai toujours été fasciné par les soutien-gorge'. Et derrière, il y a 400 pages", raconte Bertrand Blier. 

Le réalisateur "clae" malgré un début de casting. A la différence des Valseuses, par exemple, ce texte n'a pas été adapté au cinéma. Le film "a failli exister avec Benoît Poelvoorde. Il peut toujours voir le jour, mais c’est moi qui cale. Parce que c’est trop hard. Je pense qu’à notre époque, on n’a pas besoin de voir des choses comme ça", glisse le réalisateur qui explique qu'il s'agit d'une histoire où "l'on tue des femmes. Dans Buffet froid, j’ai tué onze personnes. Mais tuer des femmes aujourd’hui, ce n’est pas possible. On peut en tuer une éventuellement par accident. Mais en tuer quatorze, honnêtement... Je n’ai pas envie de finir sur une image de monstre", ajoute le réalisateur qui n'a pas manqué d'évoquer par ailleurs la difficulté de faire des films.