Avec "Detroit : Become Human", le jeu vidéo s'invite au musée Grévin

Les trois androïdes du jeu "Detroit : Become Human" sont exposés dans un espace dédié au musée Grévin.
Les trois androïdes du jeu "Detroit : Become Human" sont exposés dans un espace dédié au musée Grévin. © Clément Lesaffre / EUROPE 1
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Le musée Grévin a inauguré vendredi un nouvel espace dédié au jeu vidéo "Detroit : Become Human", une production française qui pousse le visiteur à s'interroger sur sa relation aux technologies.
REPORTAGE

Le musée Grévin met un pied en 2038. La célèbre institution parisienne, temple des statues de cire de stars et de personnalités historiques, a ouvert vendredi un espace futuriste, dédié au jeu vidéo français Detroit : Become Human. Trois androïdes, présents dans le jeu du studio Quantic Dream, sorti au printemps 2018, sont présentés au public dans un espace interactif. Une première pour Grévin qui continue sa mue en espérant ainsi parler à toutes les générations.

Trois androïdes et un espace interactif

À Grévin, on trouve en pagaille des stars de cinéma, des chanteurs célèbres, des écrivains, bref, la crème de la crème culturelle. Jusqu'ici, le grand oublié était le jeu vidéo. La première industrie de divertissement au monde n'a eu droit qu'à de brèves incursions au musée, la première en 1999 avec l'entrée de la statue de cire de Lara Croft, l'héroïne de Tomb Raider. Une absence remarquée et désormais en partie comblée avec l'inauguration de cet espace dédié à Detroit : Become Human.

Ça parle de quoi Detroit : Become Human ?

L'action du jeu de Quantic Dream se déroule en 2038, à Detroit, berceau industriel américain rongé par le chômage. À cette époque, les androïdes ont investi les foyers des Américains mais aussi les usines, les magasins et les services publics. Alors que le fossé se creuse entre humains et machines, le joueur incarne trois androïdes : Connor, chargé d'enquêter sur les déviances de ses congénères ; Kara, aide de maison qui fuit avec la petite fille d'un père violent ; et Markus, androïde voué à la casse qui va devenir la figure de la révolte… Detroit est un jeu très narratif, qui repose en grande partie sur les choix des joueurs, et c'est pourquoi il nous avait grandement séduit à sa sortie.

Sur la mezzanine de la salle des colonnes, les visiteurs peuvent accéder à un "magasin" d'androïdes, tel qu'il apparaît dans le jeu vidéo de Quantic Dream. Trois androïdes ont été fabriqués pour l'occasion : une réplique de Connor, l'androïde policier et deux de Kara, l'aide de maison, à l'état de prototype puis telle qu'elle est dans l'aventure. Autour d'eux, le musée a installé des mannequins avec des vêtements taillés pour les androïdes, des boîtes avec des pièces de rechange et des écrans expliquant la fabrication de ces robots aux traits si humains.

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"C’est un espace immersif, on peut avoir un certain nombre d’interactions dans ce magasin", raconte à Europe 1 David Cage, l'emblématique fondateur de Quantic Dream. "On a voulu faire voyager le visiteur dans le temps, le téléporter en 2038, à une époque où on imagine que des androïdes seraient vendus dans des magasins", précise le patron du studio parisien. "Avant, c'était l'espace où on présentait la création d’une statue de cire. Ça nous a paru intéressant et logique de le transformer en magasin d’androïdes", abonde Yves Delhommeau, directeur général du musée Grévin. 

Grévin cherche une nouvelle jeunesse

Constatant une demande de ses visiteurs vis-à-vis du jeu vidéo, c'est le musée Grévin qui a pris l'initiative de contacter Quantic Dream. "Quelques mois après la sortie du jeu, on a eu un coup de fil de Grévin qui nous proposait de faire entrer les personnages du jeu au musée. On a mis un peu de temps à y croire", se rappelle David Cage. "C’était un peu improbable une telle proposition de la part d’une institution comme Grévin. Évidemment, on a accepté avec grand bonheur."

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Mais pourquoi se tourner vers Detroit ? Le jeu s'est écoulé à plus de trois millions d'exemplaires dans le monde, un joli succès, mais assez loin des plus gros hits du secteur. "Le fait que Detroit : Become Human soit un jeu français, développé à Paris, correspondait à ce qu’on voulait mettre en avant. Et puis, il avait sa place à Grévin parce qu’on y parle de corps, pas celui de célébrités mais celui d'androïdes", explique au micro d'Europe 1 Yves Delhommeau. 

Parfois considéré comme une institution vieillotte et rigide avec ses éternelles statues de cire un peu figées, le musée Grévin mise beaucoup sur l'espace consacré à Detroit. Il s'agit d'une nouvelle étape de sa cure de jouvence, après la transformation des trois quarts du musée en balade chronologique, en janvier. "On veut être un musée à vivre et non plus un musée à voir", martèle Yves Delhommeau. Pour l'occasion, Grévin a même bousculé ses traditions en réalisant les statues des androïdes en latex. "On a fait une exception pour les androïdes, car le latex leur correspondait mieux, mais la cire reste notre ADN", assure le directeur du musée.

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Une reconnaissance pour le jeu vidéo

Avec cet espace flambant neuf, le jeu vidéo peut se targuer d'être la nouvelle vedette du musée Grévin. Un nouveau pas en avant pour un secteur parfois mal jugé à cause de la violence de certains jeux phares et du comportement attribué, souvent à tort, aux joueurs. "C’est une reconnaissance pour notre travail et pour tout le jeu vidéo en général. Le but de l’exposition, c'est de parler de la création dans le jeu vidéo, un sujet méconnu. Le jeu vidéo fait partie de la culture populaire depuis de nombreuses années mais il commence seulement à y avoir une certaine forme de reconnaissance, notamment d’institutions comme Grévin", analyse David Cage. "C’est une bonne nouvelle pour les jeux, mais aussi pour les joueurs."

L'exposition dédiée à Detroit : Become Human ne s'adresse donc pas uniquement aux joueurs. Il n'est pas nécessaire d'avoir terminé le jeu, ni même d'en avoir entendu parler, pour apprécier le magasin d'androïdes. Simplement car il aborde des thématiques maintes fois approchées dans les romans et les films de science-fiction : l'altérité des machines, la révolte des robots, la place de la technologie dans nos vies… "L'objectif, c'est que le visiteur s'interroge sur cet avenir technologique qui se profile et sur notre relations aux robots", souligne David Cage. 

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Le résultat est en effet troublant. Après avoir passé quasiment une heure à observer sous toutes les coutures des personnages qui ont vécu en chair et en os, on a forcément le même réflexe face à Connor et Kara. Sauf que tous deux sont des androïdes. Des machines à visage humain, certes, mais des machines. De quoi se demander comment nous comporterions-nous si demain un androïde faisait le ménage chez nous ou nous livrait nos colis…