Alain Mabanckou 1:59
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L'écrivain Alain Mabanckou était l'invité de Patrick Cohen sur Europe 1, mardi midi, pour son nouveau livre, "Rumeurs d'Amérique". Il y raconte sa vision personnelle de l'Amérique et la dynamique à l'oeuvre sur la question brûlante des minorités, dans un pays profondément divisé par les inégalités.
INTERVIEW

C'est un rêve américain qui s'épanche sur 256 pages faites de chroniques tantôt drôles, tantôt touchantes : dans Rumeurs d'Amérique (publié jeudi aux éditions Plon), Alain Mabanckou raconte "ses" États-Unis, pays qu'il a découvert au début des années 2000 et qui n'a depuis cessé de le passionner. Cette société est pour l'écrivain une source inépuisable d'inspiration : "J'ai senti la pulsation de ces gens pendant les presque 15 ans passés aux États-Unis", décrit-il au micro Europe 1 de Patrick Cohen, mardi midi.

"Sensation posée sur l'Amérique"

"Mon livre n'est pas en tant que tel une photocopie de l'Amérique, mais une réflexion, une sensation posée sur l'Amérique à travers des réflexions individuelles", explique le lauréat du Prix Renaudot 2006 pour Mémoires de porc-épic (éditions du Seuil). Il livre cette fois une réflexion sur les tensions raciales qui minent toujours l'unité des États-Unis, pays où existe un "ressentiment ethnique". 'Les minorités ne demandent qu'à ce que les gens comprennent leur histoire, leurs souffrances, les humiliations qu'elles ont eues au cours de leur errance et leur naissance dans le territoire d'adoption."

"Le grand problème avec les Noirs de France et les Noirs américains, c'est le fait qu'ils veulent tous être considérés comme des citoyens entiers, et non des citoyens de seconde zone", poursuit l'enseignant congolais de UCLA, l'université publique de Los Angeles. "Il y a toujours dans l'esprit de beaucoup le jugement qu'on porte par rapport au physique et la couleur de peau."

"Lutte des classes" ou "lutte des races" ?

Alain Mabanckou critique une vision uniquement raciales des fractures qui divisent les États-Unis : "On s'est trompés pendant longtemps. La vieille recette marxiste-léniniste, selon laquelle le monde est toujours divisé par la lutte des classes, est toujours là", clame l'écrivain. "Nous pensions faire la lutte des races alors que nous sommes en train de faire la lutte des classes. Pourquoi les millionnaires Snoop Dogg et Jay-Z n'habitent plus à Compton ou dans le Bronx, mais à Beverly Hills ou dans l'Upper East Side ? Ils habitent dans des endroits où ils sont en train de protéger les privilèges de la classe à laquelle ils ont eu accès par rapport à la puissance économique qu'ils avaient."

Sur Europe 1, l'écrivain dénonce enfin les chantres de la confrontation entre races, vue comme seule possibilité de mener le combat des minorités pour davantage de considération : "Il ne faut pas s'assigner les limites de la réflexion", prône l'auteur de Rumeurs d'Amérique. "Je n'ai pas le temps d'expliquer aux autres ce que je suis, c'est à eux de comprendre que je suis noir et fier de l'être. Une fois que je l'ai dit, je ne vais pas continuer à faire des tautologies. Que celui qui ne comprend pas s'écarte, mon train continue son passage jusqu'à la gare prochaine."