Quels sont les ingrédients d'une affiche de film réussie ?

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DÉCRYPTAGE - Europe 1 a posé la question au directeur artistique de Gaumont, Denis Peyrat. 

Un visage en très gros plan et un titre réduit au minimum, un titre central, un paysage ou l'évocation d'un danger… Les affiches de cinéma sont aussi innombrables que les films qu'elles illustrent. Parfois, c'est une couleur qui domine, d'autres fois c'est une ambiance, une expression ou un mot. L'affiche de film n'obéit à aucune recette miracle. Pourtant, elle est essentielle. C'est elle, entre autres, qui a le pouvoir d'attirer le public en salles. L'affiche cible un public en particulier, celui du film. En cela, elle utilise les mêmes armes que la publicité.

>> Comment réalise-t-on une affiche de film réussie ? A l'occasion des 120 ans de Gaumont, Europe 1 a posé la question à son directeur artistique, Denis Peyrat.

Comment une affiche prend-elle forme ? "Quatre à cinq semaines" suffisent parfois pour élaborer une affiche de cinéma. Mais ça peut aussi être beaucoup plus long, explique Denis Peyrat, directeur artistique chez Gaumont. Son rôle ? Faire le lien entre l'équipe des graphistes et l'équipe du film. "Le travail peut commencer à partir de quelques photos prises pendant le tournage, ou bien l'idée émerge seulement après le montage, une fois le film achevé, ça dépend", précise-t-il.

Quels sont les bons ingrédients ? Denis Peyrat est catégorique : "une affiche qui ait du sens, une bonne lisibilité, de l'impact, et puis parmi tout cela, quelque chose d'un peu plus subtil : une affiche qui donne envie d'aller voir le film". Voilà ce que doit être, pour le dire vite, une affiche de cinéma réussie. "Il faut atteindre un certain consensus entre les équipes pour savoir si l'on a entre les mains la bonne affiche. Car l'affiche relève bien sûr, "du domaine du subjectif", explique encore le professionnel. Devant la même image, certains seront séduits, d'autres pas. Pour Denis Peyrat, il s'agit surtout de "mettre en avant les atouts du film en fonction des spectateurs ciblés." Cerise sur le gâteau ?  "L'originalité autant que faire se peut, pour se distinguer".   

Y a-t-il des contraintes spécifiques ? Les graphistes doivent faire avec des "données légales", c'est-à-dire les crédits et les mentions à placer sur les affiches de film. "Il y a des noms, mais aussi des tailles de noms à respecter, etc. Tout cela est décidé par contrat sur chaque film", confie Denis Peyrat. "Un autre exemple, il peut arriver que, par contrat, si le graphiste décide de placer l'un des acteurs du film sur une affiche, il soit obligé d'en placer un autre." Ce sont des paramètres qui font partie du cahier des charges. 

La réalisation d'une affiche diffère aussi selon le genre du film, selon le public du long-métrage et selon le sujet.

>>> Le directeur artistique de Gaumont, Denis Peyrat, revient sur trois exemples d'affiches réussies, toutes réalisées par la société française de production, de distribution et d'exploitation cinématographique : 

Le dîner de cons

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#LeDînerDeCons. "L'affiche du Dîner de cons, sorti en 1998, est partie d'une idée qui s'est assez vite imposée, par soucis d'efficacité maximum. On avait déjà nos ingrédients : un titre fort en soi, qui existait aussi puisque la pièce de théâtre avait eu beaucoup de succès. Ça faisait partie des atouts dont on disposait. On a ensuite décidé de placer sur l'affiche, devant le titre écrit en énorme police de caractère, les deux comédiens principaux, l'un désignant l'autre. Une idée toute simple, qui rappelle les codes de la bande-dessinée. C'est une affiche construite autour du titre. Et je dois dire que si l'on cherchait du sens, de la compréhension, de la lisibilité et de l'impact, on est droit dans le mille. A l'époque, on a cherché à imposer un style d'affiches de comédies françaises, avec un fond blanc et une typo rouge. Cette affiche est d'ailleurs devenue 'une référence', pendant quelques années d'un type de comédies françaises et pour le réalisateur Francis Veber lui-même puisqu'après ce film, l'affiche du film Le Placard, sorti en 2001, a repris un peu les mêmes codes. Ce qui est intéressant dans cette démarche, ce qu'on a essayé de faire sur d'autres films, c'est de créer une identité graphique sur l'univers d'un auteur, et de la reproduire, un peu sous forme de collection (sans prétention aucune)."

Léon

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#Léon. Sur l'affiche du célèbre film de Luc Besson, Léon, sorti en 1996, on distingue le visage du personnage principal, qui prend presque toute la place de l'affiche. A gauche, son nom, en capitales est inscrit verticalement : "Léon". "On a fait ce choix parce que c'était 'Léon' justement, la figure du film. Il y a une véritable recherche d'impact. Nathalie Portman, qui joue le personnage de Mathilda dans le film, n'apparait pas sur l'affiche, malgré l'importance du duo. Comme souvent dans les films de Luc Besson, il y a un acteur à découvrir dans le film, donc on décide de ne pas le mettre sur l'affiche. Enfin, Jean Reno et Besson, c'était une alchimie qui fonctionnait à plein. Pour le reste, on distingue aussi une suggestion de New York, en arrière-plan. L'image suggérée est celle d'un homme dans la ville. C'est une recherche d'efficacité là encore. Quelque chose de graphiquement très fort."

Intouchables

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#Intouchables. Sur l'affiche, on distingue le visage souriant des deux acteurs principaux, François Cluzet et Omar Sy. "On est dans quelque chose de très optimiste, de très joyeux, même si le sujet est grave. L'affiche de cette comédie conserve le secret sur le fauteuil roulant, qui n’apparaît pas. En regardant l'affiche, on est très proche des personnages, parce que ce sont deux acteurs qui tiennent le film. On a aussi un gros plan sur leur complicité, qui est aussi la vérité du film."

C'est quoi une affiche de film ratée ?  "Une affiche ratée, c'est une affiche illisible, trop compliquée ou encore incompréhensible. Du coup, on passe à côté. Ou bien elle peut être réussie d'une certaine manière, mais ratée au sens où elle ne fait pas venir le bon public du film." Mais dans ce domaine, tout est relatif, insiste bien Denis Peyrat.

Le 104 fête les 120 ans de Gaumont : à l'occasion des 120 ans du 7e art, l'exposition retrace l’histoire de la firme à travers extraits de films, objets cultes et affiches de cinéma.

Le 104 fête les 120 ans de Gaumontpar Europe1fr

"120 ans de cinéma : Gaumont, depuis que le cinéma existe", du 15 avril au 5 août, au CentQuatre-Paris, 106, rue d’Aubervilliers, Paris 18e et au 5 rue Curial, Paris 19e, avec Europe 1.