Jafar Panahi, un réalisateur clandestin

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RÉSISTANCE - Le réalisateur de Taxi a obtenu l'Ours d'or de la Berlinale 2015. Interdit de tournage en Iran,  il rivalise d'imagination pour défier les autorités. 

Il n'a pas le droit de tourner de films, ni même de sortir de son pays, l'Iran. Pourtant, le réalisateur Jafar Panahi a reçu l'Ours d'or lors de la 65e édition de la Berlinale, pour son dernier film Taxi, dont on ne connaît pas la date de sortie en France. Le dernier film de l'auteur de Ballon blanc et de Hors-jeu, raconte Téhéran, à travers les vitres d'un taxi. C'est le réalisateur lui-même qui a pris le volant pour faire le portrait de la capitale iranienne. Europe 1 revient sur la méthode Jafar Panahi.

Panahi, interdit de réaliser pendant 20 ans. C'est l'une de ses nièces, actrice du film, qui est venue recevoir le trophée de la Berlinale à la place de Jafar Panahi. "Je suis incapable de dire quoi que ce soit. Je suis trop émue", a lancé la petite fille en larmes sur l'estrade. Car le réalisateur n'a pas eu le droit de faire le déplacement. Jafar Panahi, condamné à six ans de prison avec interdiction de quitter le pays, en 2010, n'a plus non plus le droit de réaliser des films dans son pays, pour une durée de 20 ans. Les autorités iraniennes lui reprochent en effet d'avoir "participé à des rassemblements" et d'avoir nourri la "propagande contre le régime", a fait savoir son avocate. A l'époque, le réalisateur préparait en effet un  long-métrage sur les manifestations contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, en 2009.

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Panahi le résistant. Mais Jafar Panahi résiste. Tous ses films ont été tournés en Iran. Le dernier, Taxi, il l'a réalisé dans la clandestinité. Le cinéaste a donc adapté la forme de son long-métrage en choisissant de rester confiné dans un taxi. La caméra passe des sièges avant aux sièges arrières, filmant successivement des passagers volubiles ou bien le conducteur. Ce qu'on capte du dehors, on le découvre à travers le pare-brise ou bien à travers le récit des gens.

La technique de la double équipe de tournage. Jafar Panahi a dû rivaliser d'imagination pour défier les autorités. Se sachant étroitement surveillé par les autorités, il a notamment inventé la technique dite de "la double équipe de tournage". L'idée ingénieuse consiste à mobiliser une première équipe, qui n'est autre qu'un leurre. Si jamais la véritable équipe de tournage, qui travaille en secret, risque d'être découverte, la première prend rapidement le relais. 

En 2011, Jafar Panahi a aussi coréalisé avec Mojtaba Mirtahmasb Ceci n'est pas un film, là encore avec les moyens du bord. Certaines scènes de ce documentaire, présenté à Cannes, ont été tournées à l'aide d'un iPhone, pour rester le plus discret possible. Le sujet de ce long-métrage ? L'impossibilité de filmer lorsqu'on est réalisateur.

Jafar Panahi est l'un des cinéastes iraniens les plus primés à travers le monde. A la Berlinale, il n'en est pas à sa première récompense puisque le réalisateur avait reçu le grand prix du jury pour Hors-jeu en 2006 et le prix du scénario pour Pardé en 2013. Le trophée a été photographié seul, après la cérémonie, pour le symbole.