Avignon ou les galères du "Off"

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Amélie Bertrand , modifié à
Entre la concurrence et les budgets qui explosent, jouer à Avignon est un parcours du combattant.

852 compagnies présentes, 1 077 spectacles joués dans 123 théâtres sur trois semaines, le Festival Avignon Off est une véritable fête du théâtre. Mais c’est aussi de nombreuses galères et des budgets difficiles à boucler en pleine crise. Retour sur le parcours du combattant de ces passionnés de théâtre prêts à tout pour jouer à Avignon.

Etape 1 : trouver un théâtre

Contrairement au In, le Off du Festival d’Avignon ne décide pas des compagnies qui pourront jouer. A chacun de venir et de se débrouiller. Une compagnie doit avant tout trouver un théâtre où se produire. Et mieux vaut s’y prendre tôt. "On a commencé à prospecter il y a un an", explique Hubert Labbé, directeur artistique de la Compagnie des Pendrillons, qui participe pour la première fois au festival. "Le problème reste surtout le prix de la location, entre 8.000 et 12.000 euros pour occuper une salle deux heures par jour pendant tout le festival".

Marja-Leena Junker, la directrice de la compagnie luxembourgeoise du Théâtre du Centaure, a opté, elle, pour la co-production. Le théâtre qui abrite sa pièce ne lui demande aucune location, mais partagera les bénéfices du spectacle. "Cette année, nous n’avons pas de subvention, nous n’aurions pas pu venir sans ce système". Cette habituée du Off, qui vient pour la neuvième fois, veut limiter les galères financières. "On pourrait prendre des risques personnels, mal payer les comédiens. On l’a fait une fois, mais je n’aime pas ça. Il faut un budget clair".

Etape 2 : se loger

Là encore, il faut faire vite. Dès février-mars, il devient difficile de trouver un logement en Avignon. Et jongler avec les prix qui, crise oblige, ont beaucoup augmenté. "C’est horrible, je ne sais pas comment les gens font", se désespère Marja-Leena Junker. "Les loyers ont plus que doublé en un an". La Compagnie des Pendrillons doit quant à elle se contenter d’un 55 m2 pour 6 personnes pendant trois semaines.

L’Iran Theater Workshop, une compagnie iranienne qui participe au Off pour la première fois, a un peu plus de chance, avec trois appartements pour les 12 membres de la troupe. Mais leur budget, 100.000 euros pour le festival, est conséquent par rapport aux autres compagnies, qui doivent plutôt se débrouiller avec 30.000 euros. "On a beaucoup de chance", avoue Accila Pessyani, le directeur artistique de l’Iran Theater Workshop. "On a eu beaucoup de dons privés d’amoureux du théâtre, et une subvention du ministère de la Culture. Le plus dur finalement, ça a été l’obtention de nos visas".

Etape 3 : se faire connaître du public

Là encore, la crise s’en mêle, et le public est moins nombreux. "Avant, les gens restaient dix jours. Maintenant, c’est trois jours", déplore Marja-Leena Junker. Surtout qu’entre les 800 compagnies, la guerre est rude. "L’ambiance est plutôt bonne, mais il n’y a pas trop de solidarité", raconte Hubert Labbé. "On est tous là pour la même chose, se faire connaître. Il faut être malin, trouver des emplacements stratégiques pour nos affiches, là où il n’y en a pas déjà trop".

Etape 4 : se faire connaître des professionnels

Plus que de rentrer dans leurs frais, les compagnies viennent surtout en Avignon pout se faire connaître des producteurs. Hubert Labbé a déjà fait son calcul. "Il y a 1.200 professionnels accrédités. Il faudrait qu’une centaine vienne nous voir, pour en avoir une petite dizaine qui nous suive vraiment derrière". Hubert Labbé est amateur, la moitié des 20.000 euros du budget de la Compagnie des Pendrillons vient de sa poche. Il espère rentrer dans ses frais grâce aux entrées.

Marja-Leena Junker a quant à elle fait une croix sur cette perspective. "Le but, c’est de se faire voir, de se faire repérer. Avignon, c’est une fête du théâtre unique au monde. On parle théâtre, on vit théâtre, on est des passionnés. Chaque année, c’est de plus en plus dur. Pourtant, chaque année, il y a encore plus de compagnies".

Accila Pessyani est venu aussi en Avignon par passion du théâtre. "C’est avant tout une véritable expérience personnelle, une volonté de rencontrer d’autres publics, et de faire connaître le théâtre expérimentale iranien". Même si, s’empresse-t-il d’ajouter, "on ne dira jamais non à la venue d’un producteur".