Outreau : un acquitté renvoyé aux assises

Daniel Legrand fils en 2007
Daniel Legrand fils en 2007 © MAXPPP
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avec Aurélien Fleurot et AFP , modifié à
Daniel Legrand fils doit être jugé pour des faits reprochés alors qu'il était mineur.

L'INFO. Douze ans plus tard, l'affaire d'Outreau n'est pas toujours pas close. Le seul mineur (au moment des faits reprochés) parmi les treize acquittés dans cette affaire de pédophilie, Daniel Legrand fils, sera renvoyé devant une cour d'assises a annoncé mercredi le parquet de Douai.  Pour rappel, l'affaire d'Outreau avait éclaté en février 2001 et défrayé la chronique. Le dossier avait abouti à un fiasco judiciaire, après deux procès aux assises en 2004 et 2005. Treize des dix-sept accusés ont été acquittés, au terme parfois de trois ans de détention provisoire.

Pourquoi une telle décision ? Daniel Legrand fils a été acquitté par la cour d'appel de Paris pour des faits de violences sexuelle présument commis pendant sa majorité.  Il n'a cependant jamais été jugé pour des faits reprochés identiques remontant à sa minorité, explique le parquet général. Un état de fait "dont s'étaient inquiétées plusieurs organisations à l'approche de la prescription décennale des poursuites en octobre prochain",  précise encore l'instance.  Ainsi le parquet général indique qu'"un nouveau procès sera organisé pour le seul dossier de ce mis en accusation".

Demande de dépaysement. Le procureur général ne souhaite pas, en revanche, que ce procès se déroule dans le ressort de la cour d'appel et a adressé mercredi à la Cour de cassation une requête en dépaysement.  Il évoque la présence à la cour d'appel de nombreux personnels judiciaires et acteurs ayant connu le procès, ce qui "pourrait, selon lui, présenter un inconvénient par rapport à l'objectivité, à la sérénité et à l'impartialité nécessaires à un examen satisfaisant de la cause". Pour justifier cette requête, le procureur général invoque par ailleurs "l'émotion considérable" qu'avait suscité cette affaire, craignant notamment une nouvelle "tempête médiatique" et ne souhaitant pas que soit "stigmatisée une fois de plus" la région. La chambre criminelle de la Cour de cassation devrait "prochainement" rendre sa décision et décider le renvoi à une autre juridiction, ou au contraire le maintien de l'affaire à la cour d'assises de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais.

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Ses avocats ne comprennent pas. Cette annonce du parquet général de Douai suscite l'incompréhension des avocats de Daniel Legrand fils, comme l'a confié mercredi Me Julien Delarue au micro d'Europe 1. "A l'issue des acquittements d'Outreau, le parquet général nous avait assuré que l'affaire concernant le petit Daniel Legrand ne serait pas évoquée", a assuré le conseil. "Aujourd'hui il décide, de manière très surprenante, de  retourner sa veste et de décider que finalement il faudra à nouveau juger ce jeune homme qui avait 20 ans à l'époque et qui en a 30 aujourd'hui", a-t-il regretté. "C'est un sentiment de grande tristesse et d'incompréhension", a déploré l'avocat.

"Un sentiment d'acharnement".  Le défenseur du jeune homme évoque également  "un sentiment d'acharnement" : "qu'est-ce qu'on attend comme vérité de cette histoire ? On a tout dit ! Qu'est-ce qu'on espère avec un nouveau procès ? On espère que la justice condamne celui qu'elle a acquitté il y a huit ans ?  Qui va gagner quoi dans cette histoire ?".  "Je crois que si l'on a des enseignements à tirer d'Outreau, on doit le faire par des discussions, en avançant sur la loi, sur la manière dont les magistrats peuvent juger ce genre d'affaire" déplore Me  Julien Delarue dénonçant une tentative de "refaire la partie dans des conditions kafkaïennes et délirantes".