Comment les enquêteurs ont mis hors ligne le site "Zone Téléchargement"

Le site "Zone téléchargement" a été fermé par la gendarmerie, lundi.
Le site "Zone téléchargement" a été fermé par la gendarmerie, lundi. © Capture d'écran gendarmerie
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Margaux Lannuzel , modifié à
Chaque mois, quatre millions de personnes y trouvaient films, musique et jeux vidéo. Lundi, la gendarmerie a fermé le site et sept personnes ont été arrêtées, dont cinq se trouvent toujours en garde à vue. 

"Error 552" ou "URL Blocked". Selon leur fournisseur d'accès, c'est sur l'un de ces messages que tombent les habitués de Zone Téléchargement lorsqu'ils essaient de se connecter sur la plateforme (zone-telechargement.com), depuis lundi. Au terme d'une longue enquête de gendarmerie, Le site, qui proposait de la musique, des films, des séries et des jeux-vidéos piratés, en téléchargement libre, a été mis hors ligne et ses administrateurs interpellés.

Agents assermentés. A l'origine du signalement, une plainte déposée en novembre 2014 par des membres de l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) et de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Ces organismes effectuent un travail de veille pour repérer les sites proposant des oeuvres piratées, notamment via le système "peer-to-peer", qui utilise la bande passante de tous les utilisateurs pour proposer un téléchargement rapide. "Nos membres formulent régulièrement ce genre de plainte", explique Frédéric Delacroix, délégué général de l'Alpa. L'association emploie des agents assermentés, qui constatent les infractions et dressent des procès-verbaux transmis à la police ou à la gendarmerie.

Car l'Alpa n'en est pas à son coup d'essai. "Cette année, on a fait fermer des sites comme Full-stream.net, ou Planet-series.tv", raconte Frédéric Delacroix. L'association est également à l'origine du signalement du site pirate OMGTORRENT, créé en 2008 et actif jusqu'à fin 2015. En septembre, son administrateur a été condamné à cinq millions d'euros de dommages et intérêts et un an de prison, dont huit mois ferme.

Une plateforme facile d'accès. Pourquoi avoir choisi de cibler Zone Téléchargement cette fois-ci ? "A cause de "l'ampleur de son audience", répond le délégué général. "C'était le premier site pirate francophone, une plateforme majeure pour nous. Selon Médiamétrie (organisme qui mesure l'audience des médias, dont les sites internet, ndlr), il accueillait quatre millions de visiteurs uniques par mois, avec le nombre de téléchargements qui s'ensuit : c'était un pillage organisé." Sans inscription nécessaire, Zone Téléchargement figurait également parmi les plateformes les plus faciles d'accès pour les utilisateurs. Il n'avait pas recours au système peer-to-peer, rendant impossible tout avertissement des internautes selon le protocole prévu par la loi Hadopi. Seule solution : identifier et poursuivre les administrateurs du site.

Entendu sur europe1 :
Il s'agit d'une plateforme à caractère international : plusieurs pays étaient concernés.

Ces éléments collectés, pourquoi la fermeture du site intervient-elle deux ans après le dépôt de plainte ? Selon le site Nextimpact, l'enquête, menée par la section de recherche de Toulouse et le centre de lutte contre les criminalités numérique (C3N), n'a été ouverte qu'en 2015. "Ensuite, les investigations ont été longues car il s'agit d'une plateforme à caractère international : plusieurs pays, dont Andorre, étaient concernés. Il a fallu collecter toutes les preuves, puis organiser l'opération", détaille Frédéric Delacroix. Selon le délégué, ce délai est aussi lié au contexte actuel et à l'état d'urgence : "On comprend que ça ne soit pas forcément la priorité des forces de l'ordre."

Sept interpellations. L'opération achevée, lundi, le compte Twitter de la gendarmerie nationale a annoncé la fermeture du site, évoquant un préjudice de 75 millions d'euros, correspondant au manque à gagner pour les ayants-droits des oeuvres piratées. Sept personnes ont été interpellées et cinq d'entre elles placées en garde à vue, à Toulouse.

Une petite victoire pour les organisations de défense des droits d'auteur. Mais il y a fort à parier que l'Alpa devra, sans tarder, engager de nouvelles procédures, tant les offres de téléchargement se créent rapidement, attirant les fidèles de celles mises hors ligne. Mardi après-midi, un autre site portant le même titre mais un nom de domaine différent (zone-telechargement.eu), ainsi que d'autres plateformes, comme wawacity.su, proposaient par exemple des prestations similaires à celles du site fermé. Preuve que la bataille de la lutte contre le téléchargement n'est pas menée à armes égales, et semble loin d'être terminée.