1:43
  • Copié
Ugo Pascolo , modifié à
Pour David Lacombled, président d'un think tank sur l'économie numérique, Cambridge Analytica a utilisé une "faille" dans Facebook pour aspirer les données des Américains. 
INTERVIEW

"Visiblement Cambridge Analytica aurait laissé la clé sur le verrou pour pouvoir aspirer les données des amis de vos amis". Pour David Lacombled, président de la Villa numeris, un think tank sur l’économie numérique, invité jeudi dans Europe 1 bonjour, "l'ampleur du scandale est à la hauteur de l'entreprise".

"La faille c'est votre identifiant et votre mot de passe". "Il est normal qu'il y ait une émotion si nos données sont utilisées pour autre chose que pour les services pour lesquels ont les a postées", admet David Lacombled. Pour autant, "ces données ne vous sont pas volées : pour la plupart d'entre elles, c'est vous qui les postez en disant ce que vous faites, en 'likant' un groupe de musique par exemple. A la fin on obtient une carte d'identité numérique qui vous connaît intimement", explique-t-il. 

Alors comment les données de 50 millions d'Américains ont été vraisemblablement utilisées lors de la campagne présidentielle ? "La faille, c'est votre identifiant et votre mot de passe". "Cette clé que vous donne Facebook, vous pouvez l'utiliser sur d'autres applications, comme Airbnb ou Tinder, et en faisant ça vous singez des clauses qui permettent à des entreprises tierces de récupérer vos données", analyse le président de Villa numeris. "C'est ce qui s'est passé avec Cambridge Analytica", résume-t-il.

"Une responsabilité individuelle". Alors faut-il supprimer ses comptes sur les réseaux sociaux pour protéger ses données ? "Ce n'est pas tout ou rien", tempère David Lacombled. Pour l'expert, "c'est la prise de responsabilité individuelle qui va primer". "Quand vous êtes au bureau vous bloquez votre ordinateur, vous changez de mot de passe régulièrement bref, vous veillez à avoir un paramétrage un peu plus fort de ce que l'on peut savoir de vous", analyse le leader du think tank. "Il faut faire la même chose sur les réseaux sociaux, et pour ce faire, il faut paramétrer son compte", conclut-il.

Une carte démographique. L'expert rappelle quelques chiffres explicites sur Facebook. "C'est plus d'un milliard et demi de personnes qui ont un compte à travers le globe. Un Français sur deux est sur Facebook, et un sur quatre y passe plus d'une heure par jour", rappelle David Lacombled. "C'est une masse colossale !". "Un enfant sur deux en France se retrouve sur le réseau social de Mark Zuckerberg dans l'année de sa naissance : ce n'est pas forcément un compte, mais il y a toujours quelqu'un pour poster une photo, et donc le prénom, et le sexe de l'enfant", révèle le président du think tank. "Si on ajoute à cela la géolocalisation, on obtient une carte assez parfaite de la démographie d'un pays comme le notre".

Le scandale Cambridge Analytica peut-il arriver en France ? 

Est-ce qu'une entreprise a aspiré les données de millions d'électeurs français pendant la campagne présidentielle ? "En France, on veille à la problématique des données personnelles depuis la loi 'Informatique et libertés', de 1978, la liberté d'utilisation des données est donc moins grande qu'aux Etats-Unis", explique David Lacombled. Pour autant l'utilisation de nos données n'était pas exclu de la campagne présidentielle : "Les principaux candidats utilisaient tous le même logiciel de traitement de leurs données, le même outil marketing. Il s'appelle Nation Builder". "Quel que soit le camp politique, on voit une obligation pour les candidats de mieux connaître les électeurs, de mieux les trouver afin de leur apporter le meilleur message possible à un moment donné", analyse le spécialiste.