Tour de France 2015 : Oleg Tinkov, ce milliardaire qui veut tout révolutionner

© Oleg Tinkov, les cheveux teints en rose, fête la victoire d'Alberto Contador sur le Giro 2015. LUK BENIES / AFP
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VISIONNAIRE OU MEGALO ? - Oleg Tinkov, le patron russe de l'équipe Saxo-Tinkoff de Contador et Sagan, veut faire entrer de plain pied le cyclisme dans l'ère du sport-business. Pour ce faire, il appelle au boycott du Tour 2016.

Aussi dépensier qu'un Nasser El-Khelaïfi (le président du PSG), plus grande gueule encore qu'un Mourad Boudjellal (le président du RCT, le club de rugby toulonnais), Oleg Tinkov fait partie de ces richissimes hommes d'affaires qui se sont lancés dans le nouvel eldorado du sport-business. Sauf qu'à l'inverse des noms prestigieux cités précédemment, l'oligarque russe, propriétaire de l'empire financier éponyme, n'a pas investi dans le football ou le rugby, deux sports qui génèrent de généreux revenus, mais dans le cyclisme, une discipline bien moins rémunératrice.

Pour le moment en tout cas , puisque cet original semble bien décidé à faire entrer de plain-pied le cyclisme dans l'ère du sport-business. "Je préfère dépenser de l’argent comme ça plutôt que d’en perdre au casino, ou en me payant des prostituées ou un stupide yacht", expliquait-il avant le Tour 2014 sur le site des Echos. Retour sur quelques unes des propositions les plus marquantes de l'excentrique milliardaire russe pour faire évoluer le cyclisme.

Le boycott général du Tour 2016. Ce fils de mineur sibérien de 47 ans est habitué à relever des défis pour le moins surprenants. Après avoir revendu sa brasserie de bière pour 167 millions d'euros et créé l'empire du crédit Tinkoff, cet ambitieux s'est mis à sponsoriser l'équipe Saxo, devenu Saxo-Tinkoff en 2014 puis Tinkoff-Saxo cette année. Depuis qu'il est aux manettes d'une des meilleures formations du circuit World Tour (l'élite du cyclisme mondial), Oleg Tinkov multiplie les déclarations fracassantes. Dont la dernière en date à de quoi surprendre : le milliardaire appelle purement et simplement les autres équipes participantes à boycotter le Tour 2016. La raison de cette fronde ? Pour Oleg Tinkov, c'est avant tout grâce aux sponsors des équipes, qui financent les salaires des stars du peloton, qu'ASO, l'organisateur du Tour, attire tant de public, d'annonceurs, et donc d'argent autour de sa compétition.

Faire pression sur ASO pour une redistribution des revenus. D'après lui, si ASO gagne autant d'argent (18 millions d'euros net de bénéfices par an) grâce à la plus grande course cycliste du monde, le troisième plus gros événement sportif télévisé de la planète derrière la Coupe du Monde et les J.O. d'été, c'est avant tout grâce aux sponsors qui financent les équipes et les stars du peloton. C'est pourquoi Oleg Tinkov a créé Velon en novembre 2014, un groupement des plus grandes équipes, au sein duquel il espère fédérer l'ensemble des formations World Tour pour mettre la pression sur ASO pour obtenir une redistribution des revenus générés par la compétition qu'il jugerait plus juste.

Marc Madiot, un "communiste". "Même les équipes françaises" devraient se joindre au mouvement, précise Oleg Tinkov dans le Journal du Dimanche. Le patron russe ne porte pas vraiment dans son cœur les directeurs sportifs tricolores, en particulier l'un des plus célèbres d'entre eux, Marc Madiot, manager de la FDJ.fr, qu'il a qualifié de "communiste" sur Twitter avant de récidiver dans les colonnes du JDD : "Il est socialiste, tout comme votre pays. (…) S'il ne pige pas que le Tour est avant tout un gros business, je ne peux rien pour lui. Mais je ne veux pas nourrir la polémique avec un type qui touche de l’argent public pour faire tourner son équipe. La FDJ est bien une entreprise d’État, non? C’est donc mon argent qu’il dépense, car je paie des impôts en France (Oleg Tinkov a un appartement à apris et un chalet à Val Thorens, Ndlr). Qu’il investisse le sien et nous parlerons."

Révolutionner le merchandising. Homme d'affaires dans l'âme, Oleg Tinkov n'en demeure pas moins un vrai passionné de cyclisme. Chaque jour, quatre heures avant le départ du peloton, il prend le départ de l'étape, vêtu de la tenue de son équipe. Ces maillots, qu'il aimerait justement vendre plus et plus chers. Et pour cause, Oleg Tinkov estime que le merchandising est l'un des points faibles du cyclisme par rapport à d'autres sports puisqu'il "rapporte à peine deux millions d'euros sur un budget de 27 millions".

Faire payer le public sur les routes du Tour. En pragmatique peu attaché aux traditions de la Grande Boucle, Oleg Tinkov a également proposé de faire payer une entrée au public venu regarder les coureurs sur les routes de France. "Vous connaissez beaucoup de grands acteurs qui jouent gratuitement ? Ça n'existe pas ! Donc, il faut trouver un moyen de gagner plus d'argent, pour mieux le redistribuer aux acteurs, les coureurs et leurs équipes", avait-il professé. Pas vraiment du goût d'ASO, qui n'a jamais donné suite à cette idée.

Faire chauffer le chéquier pour aligner les "quatre fantastiques" sur les trois grands Tours. Oleg Tinkov veut aussi privilégier le spectacle avant tout. Et fustige l'attitude des "quatre fantastiques" (Froome, Nibali, Quintana, Contador), rarement engagés sur le même grand Tour (même si c'est le cas sur ce Tour 2015). C'est pourquoi il avait proposé de signer un chèque de 250.000 euros à chacun d'entre eux pour qu'ils disputent le Giro, le Tour de France et la Vuelta dans la même année. Un défi insensé sportivement, même Adam Hansen, un coureur australien qui a disputé les onze derniers grands tours, l'affirme haut et fort sur cyclismactu : "Ils manqueront beaucoup d'autres courses et au final les quatre ne finiront pas tous les trois grands Tours. Chaque année, vous avez au moins deux d'entre eux qui ont un souci. Ce serait étonnant qu'ils s'en sortent tous en un seul morceau."

Tinkov flingue son pistolero. Oleg Tinkov, mécène de l'équipe éponyme construite autour d'Alberto Contador, est donc un des seuls patrons sportifs prêt à payer ses adversaires pour concurrencer son poulain. Un poulain qu'il peut aussi bien tancer vertement que porter aux nues selon son humeur.  Après avoir limogé brusquement Bjarne Riis, le manager de l'équipe, Oleg Tinkov avait flingué son pistolero après sa 4e place sur le Tour 2013. "Contador est trop riche et n'a pas assez faim", avait balancé le nouveau patron Russe. A Contador, 5e du Tour pour l'instant, de le faire mentir dans les Alpes.