Attribution des JO 2024 : Paris vs Los Angeles, et s'il n'y avait pas de perdant ?

Logo de Paris 2024 sur la Tour Eiffel (1280x640) Patrick KOVARIK/AFP
"Paris 2024". Ou peut-être "Paris 2028" ? © Patrick KOVARIK/AFP
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Budapest a jeté l'éponge pour l'organisation des JO 2024, ne laissant plus que Paris et Los Angeles en lice, ce qui pourrait conduire à une mesure inédite.

Après Hambourg en juin 2015 et Rome en septembre 2016, Budapest a jeté à son tour l'éponge dans la course à la sélection pour être la ville hôte des Jeux olympiques 2024. Les autorités hongroises l'ont acté mercredi, alors qu'une pétition hostile à l'organisation des Jeux avait recueilli plus de 250.000 signatures en fin de semaine dernière. De fait, il n'y a plus aujourd'hui que deux villes candidates pour ces Jeux de la 33ème Olympiade : Paris et Los Angeles. Il s'agit d'une situation inédite pour les JO d'été depuis les années 1980, quand Séoul avait devancé Nagoya dans la course aux JO 1988. Alors que la désignation de la ville hôte doit se faire au Pérou, à Lima, le 13 septembre prochain, l'hypothèse d'une double attribution pour les Jeux de 2024 et de 2028 prend aujourd'hui un peu plus d'épaisseur avec ce retrait hongrois.

"Trop de perdants". Le Comité international olympique (CIO), qui gère l'attribution et l'organisation des Jeux, aurait un intérêt tout trouvé à une double attribution. Il ne froisserait pas (ou en tout cas beaucoup moins) le candidat battu à l'organisation des Jeux 2024 qui, que ce soit Paris ou Los Angeles, ne devrait pas se représenter de sitôt. Alors que les candidats à l'organisation des Jeux sont de moins en moins nombreux - les derniers Jeux d'hiver attribués, ceux de 2022, sont allés à Pékin (déjà organisatrice des JO d'été 2008), vainqueur d'un duel face à Almaty, ville du Kazakhstan -, le CIO ne peut pas prendre le risque de se mettre à dos deux villes aussi prestigieuses que Paris et Los Angeles, et les deux comités olympiques français et américain. Le président de l'institution, l'Allemand Thomas Bach, qui avait fait de la réduction des coûts et de JO plus humains son credo à travers l'Agenda 2020, a lui-même lâché concernant les candidatures olympiques : "Il y a trop de perdants." Et tout le monde comprend bien que cette phrase signifie surtout qu'il ne voudrait pas qu'il y ait un perdant de trop…

Centenaire d'un côté, Trump de l'autre.Interrogé par le quotidien L'Équipe le 2 février dernier, le journaliste américain Phil Hersh (spécialiste de la chose olympique et 18 JO au compteur), pense que l'on se dirige vers cette double attribution, afin, dit-il que "personne ne reparte du Pérou avec l’idée que la ville est perdante." "Je ne sais pas comment cela pourra se faire dans la pratique mais ce serait la meilleure solution", considère-t-il. La pratique, le CIO sait s'en accomoder. Et la réunion d'information prévue au siège de l'institution suisse en juillet prochain pourrait faire l'affaire pour changer quelque peu les règles. Phil Hersh va même plus loin dans son raisonnement : "Pour moi, la solution parfaite serait de donner 2024 à Paris avec le symbole du retour des Jeux d’été cent ans après. Et 2028 à Los Angeles. Avec les lois américaines, on sera certain que Trump ne pourra pas être président à ce moment-là." 1924-2024, les Jeux reviendraient effectivement dans la capitale française cent après. Quant à Trump, la constitution américaine interdit à un président de faire plus de deux mandats consécutifs. Même s'il devait être réélu en 2020, le président républicain ne sera donc plus aux affaires à l'été 2028.

La logique ? Quelle logique ? Attention tout de même. Le passé récent a montré que le CIO sait faire fi des symboles. Les Jeux du centenaire, ceux de 1996, avaient ainsi échappé à Athènes, LA ville de l'olympisme, pour atterrir à Atlanta, où siège l'un des principaux sponsors des Jeux, Coca-Cola. Quant à l'éventuelle présence au pouvoir de Trump, elle ne saurait être considérée comme un frein, alors que Pékin a obtenu et organisé les Jeux malgré les appels au boycott liés au non-respect de la liberté de la presse. Plus important encore, la double attribution n'aurait pas que des partisans au sein du mouvement olympique, certains étant soucieux de conserver un processus démocratique.

Comme le relève L'Équipe, deux vice-présidents de l'instance, le Turc Ugur Erdener et l'Australien John Coates, ont estimé que cela ne leur semblait pas faisable dans l'immédiat. Mardi, le cheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, a rappelé que la Fifa avait attribué ­simultanément les Coupes du monde 2018 et 2022. Vrai, mais dans le cas de cette double attribution, il n'y avait pas que des/deux gagnants puisque plusieurs candidatures  propres à une édition (Espagne/Portugal, Belgique/Pays-Bas et Angleterre pour 2018, États-Unis, Corée du Sud, Japon et Australie pour 2022) avaient été écartées au profit de la Russie pour 2018 et du Qatar pour 2022.

Le cas de figure est différent ici. Il n'y aurait pas de réel perdant, mises à part peut-être - et c'est quand même un élément à prendre un compte - les villes qui auraient aimé se présenter pour l'édition 2028, comme Toronto, au Canada, Guadalajara, au Mexique, ou encore Kuala Lumpur, en Malaisie, qui qui ont montré quelques vélléités d'y aller. Le processus d'attribution des JO 2028 étant censé s'achever en 2021, ces candidatures restent toutefois encore à l'état embryonnaire.

Les Jeux de 2028 "pas pris en considération". Interrogés sur cette question de la double attribution, les responsables de Paris ont déjà rappelé à plusieurs reprises que la Ville lumière n'était candidate que pour 2024. Le discours officiel est le même du côté de Los Angeles : "Notre présentation, notre budget, tout notre travail est focalisé sur les Jeux de 2024. Nous ne prenons absolument pas les Jeux de 2028 en considération." Pas sûr cependant que ce raisonnement résiste au retrait de Budapest.