Affaire Laporte-Altrad : le contrat de sponsoring maillot sous-valorisé ?

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Les Bleus ont porté le sponsor "#France2023 Soutenu par Altrad" pour la première fois en Italie, lors du dernier Tournoi. © MIGUEL MEDINA / AFP
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"L'Équipe" publie jeudi le contrat de partenariat entre la Fédération française de rugby et l'entreprise Altrad concernant le maillot des Bleus.

Un peu plus de deux semaines après avoir mis en évidence un élément à charge contre Bernard Laporte, soupçonné de favoritisme envers le club de Montpellier, L'Équipe revient à la charge jeudi contre le président de la Fédération française de rugby (FFR). Le quotidien publie en effet le contrat de sponsoring maillot du XV de France, signé entre Laporte et Mohed Altrad, patron de l'entreprise de bâtiment du même nom mais aussi président du Montpellier Hérault Rugby (MHR), actuel leader du Top 14. Ce fac-similé confirme que la société Altrad a effectué un virement d'un million et demi d'euros en deux montants de 750.000 euros pour figurer sur le maillot des Bleus en 2017, avec le hashtag #France 2023 en soutien à la candidature du pays pour l'organisation du Mondial 2023.

Deux à trois fois moins d'argent que les autres sponsors. Tout cela était déjà connu mais L'Équipe met en perspective cette somme avec celles que doivent débourser les autres partenaires des Bleus, comme la GMF (4,3 millions par an), Orange (3,3 millions) ou encore la Société générale (5,2 millions). Et Gilles Dumas, de Sportlab, agence de conseil en communication dans le sport, de s'étonner d'une telle somme : "Vous avez des partenaires qui doivent mettre en moyenne 4 à 5 millions d'euros sans visibilité maillot et un homme arrive et pour 1,5 million acquiert ce que tout le monde voudrait avoir, un maillot sur lequel la mise à prix initiale était plutôt de l'ordre de 10 millions d'euros."

Pour justifier ce tarif, Bernard Laporte avait mis en avant la défense de la candidature pour la Coupe du monde 2023, dont une délégation française a vanté les mérites la semaine dernière, à Londres. Le hashtag #France 2023 apparaît effectivement en bien plus gros que le nom d'Altrad pour le maillot. Cette défense des intérêts supérieurs du rugby français pourrait expliquer, selon L'Équipe, le silence des autres sponsors dans cette affaire…

Vers un nouveau contrat ? Dimanche dernier, Le JDD a annoncé que Mohed Altrad s'apprêterait à signer un nouveau contrat de sponsoring maillot avec la Fédération française de rugby (FFR), cette fois sans le hashtag. Il s'éléverait à 5,4 millions d'euros, une somme bien supérieure au million et demi déboursé en 2017 mais nettement inférieure aux 10 millions que coûte le maillot des Blacks et des 8 millions du maillot blanc de l'Angleterre, deux sélections qui, il est vrai, brillent bien plus ces dernières années que notre XV de France. En outre, cette somme de 5,4 millions ne comprendrait pas les primes de résultats ou l'éventuelle revalorisation si la France décrochait le Mondial 2023.

Plus que le prix, ce qui chagrine certains acteurs du monde du rugby, c'est le conflit d'intérêts que représente la "vente" d'un maillot par le président de la Fédération à un acteur éminent du Top 14, qui dépend de la FFR. Deux hommes qui avaient également signé un partenariat de communication via leurs sociétés, accord désormais rompu. Deux hommes qui s'étaient également rencontrés quelques jours avant que le premier ne passe un coup de fil au président de la commission d'appel de la FFR pour demander à ce que l'on prenne la décision la plus juste possible vis-à-vis du club du second…

L'enquête continue.L'Équipe précise que l'enquête administrative lancée par le ministère des Sports concernant les soupçons de favoritisme du président de la FFR continue. Les deux membres de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) doivent entendre à nouveau plusieurs acteurs clés de ce feuilleton autour de la décision de la commission d'appel de la FFR. L'enjeu est de savoir si une décision "irrévocable" concernant une amende infligée au club du MHB avait été prise dès le 29, auquel cas le coup de fil de Bernard Laporte au président de la commission, effectué le 30 au matin, a pu changer la nature de la décision prise au départ. D'abord condamné à une amende de 70.000 euros et à une suspension de terrain, le club de Montpellier avait seulement été sanctionné d'une amende de 20.000 euros.