Vers l'ouverture de la PMA aux couples de femmes : ces questions qui se posent après l'avis du Comité consultatif national d'éthique

La PMA comprend l'insémination artificielle ainsi que la fécondation in vitro.
La PMA comprend l'insémination artificielle ainsi que la fécondation in vitro. © AFP
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Clémence Olivier , modifié à
Le Comité consultatif national d'éthique s'est prononcé mardi pour l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Jusqu'à maintenant la PMA, la procréation médicale assistée, n'était réservée qu'aux couples hétérosexuels, en âge de procréer, souffrant d'infertilité, ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant. Mais cela pourrait bientôt changer. Mardi, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu un avis allant dans le sens d'une ouverture de cette technique d'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Le CCNE considère que l'ouverture de la PMA qui comprend l'insémination artificielle et la fécondation in vitro, "peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d'orientations personnelles", a-t-il justifié mardi. Autrement dit la fertilité n'est pas que mécanique elle peut aussi être la conséquence de choix personnels. Pour autant, toutes les femmes pourront-elles bénéficier de cette ouverture ? Et cet avis-a-t-il une chance de trouver une concrétisation législative ? Europe 1 fait le point.

 

  • Qui est concerné par l'ouverture de la PMA prônée par le CCNE ?

Qu'elles soient fertiles ou non, les couples de femmes et les femmes célibataires, doivent pouvoir avoir accès à cette pratique médicale, suggère le CCNE, dès lors qu'elles sont en âge de procréer. "C'est une question d'égalité. Aujourd'hui, on hiérarchise les couples et les individus. Or la PMA ne soigne pas, elle compense l'incapacité d'avoir un enfant", décrypte Claire Guiraud, secrétaire générale du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, une instance consultative indépendante. C'est une démarche médicale, avec une technique parfaitement maîtrisée, et c'est aussi une démarche sociale".

  • Quel serait le coût pour ces femmes ?

La PMA est prise en charge en France à 100 % par l'assurance maladie dans le cas où la femme d'un couple hétérosexuel n'a pas dépassé les 43 ans. Pour autant, cela ne veut pas dire que cette technique médicale pourrait être à terme, si elle était adoptée, remboursée pour toutes les femmes.

Dans son avis, le CCNE ne se dit pas ouvertement favorable à un remboursement total de la pratique pour toutes les femmes. Il souligne que les modalités de remboursements doivent être étudiées et préconise par ailleurs de maintenir la gratuité et l'anonymat des dons de sperme. " Sur la prise en charge de la PMA, le CCNE et le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), ne sont pas sur la même ligne. Nous, le HCE, nous souhaitons un alignement de la prise en charge et donc de la gratuité pour toutes les femmes, jusqu'à 43 ans", précise la secrétaire générale du HCE. "Le CCNE a une position plus retenue. Mais la philosophie de travail de la CCNE est d'avancer par étape", assure-t-elle.

  • Quel statut pour le conjoint ?

Le comité éthique ne se prononce pas sur cette question. Aujourd'hui, la mère non biologique d'un couple lesbien marié qui a eu recours à une PMA à l'étranger doit faire une demande d'adoption pour que son lien de filiation avec l'enfant soit reconnu juridiquement. L'une des propositions avancée, notamment par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, serait d'instaurer une "déclaration commune anticipée de filiation" pour tous les couples ayant recours à une PMA.  

  • Les avis du comité éthique sont-ils généralement suivis ?

Le Comité consultatif national d'éthique, depuis sa création en 1983 sous François Mitterrand, est amené à se prononcer sur des sujets de société. Et son avis compte. A plusieurs reprises, il a été suivi par l'Assemblée nationale, qui dans la foulée à adopter des lois allant de le même sens. Ce fut le cas en 2000. Le CCNE s'était dit pour un allongement du délai légal de l'interruption volontaire de grossesse à 12 semaines. En décembre de la même année, l'Assemblée avait voté ce projet. Plus récemment, en 2007, l'avis du comité avait également été pris en compte par les parlementaires au sujet d'un amendement qui prévoyait d'instaurer des tests ADN pour les étrangers en demande de Visa. L'amendement avait été adopté mais les décrets qui devaient le rendre applicable n'ont pas été pris, rappelle Le Monde dans un article de 2013.

Au delà de ces exemples, le contexte actuel semble favorable à l'adoption d'une telle réforme. La suggestion du CCNE  intervient à la suite de plusieurs avis rendus par d'autres instances indépendantes, comme le Défenseur des droits en 2015 et le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes la même année. Toutes ont souhaité une ouverture de la PMA à toutes les femmes. "Il y a une forme de consensus. C'est le signal que l'on est au bout d'une réflexion. Les risques ont été identifiés, les questions ont été tranchées", souligne Claire Guiraud.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avait également pris position durant la campagne présidentielle pour une ouverture de la PMA "aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires". Il avait toutefois assuré vouloir attendre que le comité d'éthique se prononce. C'est désormais chose faite. "Tous les obstacles sont levés", ajoute Claire Guiraud. "Maintenant place à l'action".

 

25.208 enfants nés de PMA en 2014

L'Agence de la biomédecine, organisme public qui gère ce domaine en France, a recensé pour l'année 2014, 143.778 "tentatives" de PMA dont 95% réalisées avec les spermatozoïdes et ovules des deux membres du couple.

Aujourd'hui, les Françaises qui ne peuvent pas bénéficier de la PMA en France sont nombreuses à se rendre en Belgique ou en Espagne, deux pays qui autorisent cette pratique. Selon l'Insee, les enfants conçus après une PMA ont représenté 3,1% des enfants nés en 2014, soit 25.208 enfants.