Une radio érythréenne pour aider les migrants dans leur périple

Amanuel Ghirman, l’un des trois journalistes qui animent cette radio créée à Paris, en 2009.
Amanuel Ghirman, l’un des trois journalistes qui animent cette radio créée à Paris, en 2009. © SALOME LEGRAND / EUROPE 1
  • Copié
Salomé Legrand avec , modifié à
Une radio érythréenne émet depuis 2009 à Paris pour alerter les migrants sur les dangers d’un tel voyage.

Quand les migrants parlent aux migrants. Créée avec l'aide de Reporters sans frontière, une radio érythréenne émet depuis 2009 à Paris pour aider les réfugiés qui tentent de rejoindre la France ou l'Angleterre. Autre mission de radio Erena : alerter les Erythréens sur les dangers d’un tel voyage. Car si c’est bien l’enfer qu’ils laissent derrière eux, le périple que les migrants entreprennent pour regagner les côtes britanniques se fait parfois au péril de leur vie. Après les risques de kidnappings dans le désert du Sinaï, ils doivent affronter la mer Méditerranée et ses naufrages, faisant de cette route d’immigration l’une des plus risquées au monde.

L’un des pays les plus pauvres du monde. Amanuel Ghirman est l’un des trois journalistes qui animent cette radio créée à Paris en 2009. Son objectif : informer les Érythréens de ce qu’il se passe dans leur pays de la corne de l’Afrique, où règne l’une des dictatures les plus dures au monde. Depuis l'indépendance en 1993, le président Issayas Afeworki n’a qu’une idée en tête : former des troupes militaires pour préparer une nouvelle guerre contre l'Ethiopie, forçant ainsi les Erythréens à se plier à un service militaire sans fin. Conscients que d’autres pays d’Afrique sont victimes d’un exode massif, les journalistes de la radio s’adressent donc à tous ces migrants qui fuient leur pays, par milliers, chaque jour.

Ecoutez le témoignage de Amanuel Ghirman :


Radio Erena : "il faut qu'ils s'attendent au pire"par Europe1fr

"Il faut qu’ils s’attendent au pire". "On essaye de leur faire comprendre que quand ils viennent en Europe, il faut qu’ils s’attendent au pire, et pas seulement au meilleur", résume Amanuel Ghirman, interrogé par Europe 1. Dans son minuscule studio radio coincé au fond du XIIIe arrondissement de Paris, le jeune homme de 36 ans, petites lunettes carrées, insiste : "On ne peut pas leur dire ‘rester dans votre pays’, mais on veut vraiment les sensibiliser aux dangers du trajet et au fait qu’il y a un immense fossé entre leurs attentes et la réalité pour les réfugiés."

"Est-ce que vous vous attendiez à ça ?" Tous les jeudis, Amanuel Ghirman consacre une émission d’une heure aux migrants, qu’il va régulièrement rencontrer pour les convaincre de venir raconter leur parcours. Ils sont nombreux à l’écouter en composant un numéro sur leur téléphone portable, qui les connecte directement à la radio. "Quand on parlait de La Chapelle, je leur demandais juste ‘est-ce que vous vous attendiez à ça, à Paris, en France ?’ La plupart répondait ‘non’", confie Amanuel Ghirman qui veut, par ses émissions, tenter de faire émerger des solutions pour améliorer les conditions de ses compatriotes.

"89 Érythréens sont aux mains de Daech". Plusieurs fois par semaine, des Erythréens laissent des messages glaçants, diffusés parfois en direct sur les ondes de la radio. "On est 380 Erythréens bloqués en Libye, à Misrata. On a besoin d’aide, on est retenu par des hommes armés, aidez-nous !", débite très rapidement une voix de femme derrière une mauvaise connexion. "Hello Radio Erena, alors qu’on allait à Tripoli, on a été pris en otage par des bandits, 89 Erythréens sont aux mains de Daesh, à l’aide", lance un homme dans un autre message. Une correspondante de la radio en Suède a même reçu un appel d’une femme qui se trouvait dans un bateau en plein naufrage en Méditerranée. Les informations GPS qu’elle a renseignées ont permis une intervention des gardes-côtes italiens.

"Au moins vous êtes maître de votre vie." Pour les migrants érythréens, tout vaut mieux que de rester dans leur pays, constate Amanuel : "J’ai interviewé un adolescent, survivant de Lampedusa. Je lui ai demandé ‘est-ce que tu savais que la traversée était dangereuse ?’ ‘Oui je savais !’ ‘Comment ?’ ‘Parce que mon frère est mort dans un précédent bateau’. J’ai dit ‘Woaw’. J’étais sous le choc". Et le journaliste de résumer : "Vous pouvez dormir dans la rue, dans des foyers, mais au moins vous êtes maître de votre vie."