Une "génération Pape François" voit-elle le jour au sein de l'Eglise ?

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S'il maintient toutes les sensibilités aux grands postes du Vatican, le Pape prépare tout de même un avenir davantage conforme à sa "ligne".

En décembre 2014, à l'approche de Noël, le Pape François adressait un message fort à la Curie, le gouvernement de l'Eglise catholique romaine. Le souverain pontife s'inquiétait d'une Eglise menacée "d'alzheimer spirituel", de "faux narcissisme", de "schizophrénie existentielle" et "d'exhibitionnisme mondain". Un an plus tard, la réforme promise de cette Curie patine. Et les scandales ont continué, comme l'atteste la parution de deux livres en novembre dernier, dénonçant de nouveaux scandales financiers aux Vatican.

Le Pape ne reste pas sans rien faire pour autant. S'il ne semble pas vouloir bousculer d'un coup sec les instances dirigeantes de l'Eglise, il a déjà commencé à placer de nombreux pions. Et à faire émerger le début d'une nouvelle "génération".

Des cardinaux du sud. De nouveaux visages sont d'abord visibles chez les cardinaux. Dans l'Eglise Catholique, les cardinaux forment la plus haute sphère dirigeante. Lorsqu'ils ont moins de 80 ans, ils sont également dits "électeurs", car ils ont le pouvoir d'élire un nouveau Pape. Depuis le début de son pontificat, François en a nommé 39, dont 31 électeurs. Et en épluchant la liste, on peut déjà voir se dessiner la "patte" du premier Pape sud-américain de l'Histoire.

La caractéristique la plus criante de cette liste, c'est son ouverture sur le monde. D'une part, seuls cinq évêques déjà membres de la Curie ont été promus cardinaux, un record. En outre, alors que l'Europe et l'Amérique du Nord sont surreprésentées dans l'Eglise (ils représentent encore 72 cardinaux électeurs sur 125 en 2015, dont 25 Italiens), François s'est employé à mettre une dose de "Sud". Dans les nouveaux cardinaux électeurs, 20 viennent d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie, et même d'Océanie, et seulement 11 sont originaire d'Europe et d'Amérique du nord.

… et partageant la "ligne" François. La seconde caractéristique de ces cardinaux, qui sont globalement plus jeunes que la génération précédente, est l'accent mis sur le "social". Le Pape François, soucieux d'une "Eglise pauvre pour les pauvres", a nommé majoritairement des hommes de terrain, engagés dans des actions de lutte contre les discriminations (y compris envers les autres religions), éducatives, sociales, voire environnementales.

Ainsi en est-il de l'Italien Francesco Montenegro, qui fut président de Caritas en Italie pendant cinq ans, du Portugais Manuel do Nascimento Clemente, farouche opposant aux politiques d'Austérité, du Néo-Zélandais John Atcherley Dew, ancien missionnaires auprès des Maoris, du Birman Charles Maung Bo, ardent défenseur des minorités musulmanes dans son pays ou encore de Soane Patita Pain Mafi, évêque des Îles-Tonga, qui lutte contre la montée des eaux que subit son archipel.

"Portrait-robot de l'Evêque François". Du côté des nominations de nouveaux archevêques importants, comme ceux de Chicago, Cologne, Madrid, Palerme ou Bologne, la ligne semble la même : mettre l'accent sur la dimension "sociale" de l'Eglise. Ces nouveaux archevêques montrent, en outre, une vision "modérée" sur les questions sociétales. S'ils ne vont pas jusqu'à défendre l'avortement et remettre en cause le mariage traditionnel, ils se montrent plus ouverts sur l'accueil à réserver aux divorcés remariés et aux homosexuels.

Le site internet d'information catholique Crux, en septembre 2014, dressait le "portrait-robot de l'Evêque François" : "Sur le plan idéologique, des hommes modérés plutôt que durs ; sur le plan pastoral, des hommes qui mettent l'accent sur le souci des pauvres et des marginaux; et sur le plan personnel, des dirigeants n'ayant pas de personnalité tape à l'œil, avec la réputation d'être accessible et pratique".

 

vatican saint pierre 1280

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Autour de lui, François ménage les sensibilités. Au sein même de la Curie, il semble en revanche plus difficile de constater l'émergence d'une "génération François".

Du côté de la gestion des affaires économiques, le Pape François a certes placé de nouvelles têtes : le cardinal australien George Pell (par ailleurs très virulent contre le Pape sur les sujets de société) au Secrétariat pour l'économie ou encore le Français Jean-Baptiste de Franssu, à la tête de la Banque du Vaticain, s'emploient à traquer les abus. "Le Conseil pour l’économie, qui coiffe le Secrétariat, comme le tout nouveau bureau du contrôleur général, ont vu l’arrivée de professionnels laïcs, décidés à mettre la comptabilité et le management du Saint-Siège aux standards d’une grande organisation internationale", détaille également le journal La Croix. Mais ils semblent confronter à des luttes de pouvoir interne, et aux multiples strates d'une bureaucratie qui paraît tentaculaire.

Et au sein du gouvernement lui-même, les "dicastères", sorte de ministères de l'Eglise, le renouvellement semble encore plus ardu. "Dans ce délicat exercice de réaffectation, Jorge Bergoglio (le nom d'origine du Pape François ndlr) veille à ne pas privilégier un clan et à ménager les susceptibilités dans une institution marquée par le carriérisme. Une culture dont le pape veut sortir la Curie, mais sans brusquer", résume le quotidien catholique.