Surpopulation carcérale : des pistes pour avoir moins souvent recours à la prison

L'un des grands chantiers du ministère de la Justice est de pallier à la surpopulation carcérale
L'un des grands chantiers du ministère de la Justice est de pallier à la surpopulation carcérale © JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
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Marthe Ronteix , modifié à
Pour désengorger les prisons surpeuplées, un rapport présenté lundi propose de recourir plus souvent à des détentions à domicile, des travaux d'intérêt général ou encore de revenir aux peines-amendes.

La prison doit être "profondément modernisée" mais ne doit pas être "la réponse quasi-systématique pour les peines à un certain niveau", a préconisé Emmanuel Macron lundi dans son discours lors de la rentrée de la Cour de cassation. Le message est clair : pour désengorger les prisons, il faut en faire une peine de dernier recours.

Des prisons surpeuplées. En attendant les 15.000 places de prison supplémentaires promises par le président, les établissements pénitentiaires français sont globalement surpeuplés et risquent de le rester. Entre 2015 et 2017, le nombre de personnes incarcérées est passé de 66.761 à 70.230. C'est pourquoi l'un des cinq grands chantiers de la justice auxquels la ministre Nicole Belloubet doit s'atteler, consiste à désengorger les prisons et pour cela, deux professionnels de la justice ont fait des propositions dans un rapport rendu public lundi. Europe 1 décrypte ces alternatives à la peine d'emprisonnement.

surpopulation carcéral crédit : Simon MALFATTO, Sophie RAMIS / AFP

Des détentions à domicile sous bracelet électronique. Le haut magistrat Bruno Cotte et l'avocate Julia Minkowski, auteurs du rapport, proposent de revoir l'échelle des peines. Ils suggèrent de fusionner le sursis avec mise à l'épreuve et la contrainte pénale - une peine qui soumet le condamné à un ensemble d’obligations et d’interdictions et à un accompagnement soutenu dès le prononcé de la peine, selon le ministère de la Justice. Ils proposent également de créer "une peine de détention à domicile sous bracelet électronique". Les "détenus" seraient alors contrôlés par des agents de probation mobiles.

Plus de travaux d'intérêt général. À l'instar d'Emmanuel Macron, Bruno Cotte et Julia Minkowski proposent de recourir davantage aux travaux d'intérêt général (TIG). La personne condamnée à des TIG, à partir de 16 ans, doit travailler pour une association, une collectivité locale, un établissement public, un service de l'État ou un hôpital. Le condamné doit travailler au minimum 20 heures et au maximum 280 en fonction de la décision du juge.

Il n'est pas rémunéré pour ce travail mais s'expose à des sanctions s'il ne l'effectue pas. En revanche, la personne condamnée est obligée de donner son accord pour recevoir cette peine, il ne s'agit donc pas de travaux forcés. Cette peine peut intervenir dans le cadre d'une peine alternative à la prison ou bien dans celui d'une mise à l'épreuve. Dans ce cas, le TIG s'ajoute à la peine avec sursis.

Pour mieux développer cette alternative à l'emprisonnement, Emmanuel Macron a proposé la création d'une agence chargée de développer et d'encadrer ces peines. La mission de cette agence serait de faire se rencontrer l'offre et la demande. Aujourd'hui, ce type de condamnation ne représente que 7% des peines prononcées.

Le retour des peines-amendes ou jours-amendes. Autre proposition, le rétablissement des peines-amendes, ou jours-amendes, jusque-là peu appliquées. Il s'agit pour le condamné de verser au Trésor une contribution quotidienne jusqu'à atteindre la somme prononcée par un juge.

Calculée sur les ressources et les charges du prévenu, cette somme journalière ne peut excéder les 1.000 euros et ne peut durer plus de 360 jours. En cas de non-paiement de cette somme, la personne condamnée est libérée de sa dette mais doit effectuer sa peine de prison. Jusqu'à présent, cette mesure était peu utilisée faute de recouvrement suffisant, selon Le Figaro.

Plus d'emprisonnement systématique pour les peines de moins de six mois. La condamnation à l'emprisonnement ne pourrait intervenir qu'à l'épuisement de ces différentes possibilités. Mais là encore, le rapport donne des restrictions. Les courtes peines, inférieures ou égales à un mois, devraient être interdites. Tandis que celles inférieures ou égales à six mois devraient s'effectuer automatiquement "sous le régime du placement électronique, de la semi-liberté [le détenu possède certaines libertés de circulation en dehors de la prison et peut travailler] ou du placement à l'extérieur", propose le rapport. Le juge pourrait même prononcer un mandat de dépôt (l'incarcération immédiate du détenu à l'issue de son procès) différé.  

Une libération conditionnelle automatique. Les auteurs du rapport proposent par ailleurs de créer "un mécanisme de libération conditionnelle automatique des personnes détenues pour des peines criminelles aux deux tiers de leur peine". Pour l'instant, cette libération conditionnelle n'est éventuellement accordée qu'à l'issue de l'étude du projet du détenu concerné. Un allègement compensé par un durcissement des aménagements de peines.

Au lieu d'être envisageables pour les peines de deux ans maximum, ces aménagements ne seraient possibles que pour les peines d'un an ou moins.

Des conditions de détention provisoire plus restreintes. Dernière proposition : réformer la détention provisoire. Le rapport préconise de relever le seuil d'emprisonnement encouru à partir duquel on peut placer une personne en détention provisoire et d'en revoir les critères, réduisant ainsi le nombre de personnes concernées.

Aujourd'hui, le placement en détention provisoire concerne les infractions punies de trois ans de prison ou plus et si le contrôle judiciaire ou le port d'un bracelet électronique est jugé insuffisant. Pour un délit, ce placement ne peut excéder quatre mois, et un an pour un crime. Au delà de cette période, la personne mise en examen mais toujours dans l'attente de son procès, peut être libérée.