Bac 2015 : les pronostics sur les sujets probables, c'est du pipeau

Un sujet du baccalauréat de philosophie 2014. bac
Un sujet du baccalauréat de philosophie 2014. © FREDERICK FLORIN / AFP
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De nombreux sites recensent les sujets probables susceptibles de tomber au bac, notamment en philosophie. Mais selon les professeurs, ces compilations n’ont aucune fiabilité.
LA FRANCE BOUGE

Alors que les lycéens arrivent dans la dernière ligne droite de leur révision pour le bac 2015, de nombreux sites proposent des pronostics des sujets pouvant potentiellement tomber le jour J. Un jeu de pronostics qui repose sur un système simple : passer en revue les historiques des épreuves du bac des années précédentes et en déduire qu’ils auront peu de chances de tomber cette année. Ces sites, comme letudiant.fr, digischool.fr ou encore metronews.fr, listent alors les "sujets probables" qui pourraient tomber dans les différentes matières au bac S, ES, L et STMG. Pour tromper leur stress, de nombreux lycéens consultent ces pronostics, notamment en philosophie. Pourtant, les professeurs sont formels, ces compilations de "thèmes probables" n’ont aucune fiabilité.

"Les sujets sont tous équiprobables". "On ne peut pas faire de pronostics. Ces probabilités n’ont aucun crédit. Ces prévisions font plaisir, ça fait vendre du papier, mais il n’y a pas de critère qui permet de prévoir un sujet. C’est imprévisible. Les candidats doivent tout réviser", insiste d’entrée de jeu Nicolas Franck, professeur de philosophie dans un lycée de Neuilly, interrogé par Europe 1.

Sylvain Bossolet, agrégé de philosophie et docteur en psychologie, qui s’est renseigné auprès de l’inspection académique, est encore plus formel sur l’absence de fiabilité de ces pronostics. "Il n’y a pas de thèmes plus probables que d’autres. Chercher les sujets sur 10 ans, 15 ans, 20 ans, ils sont tous équiprobables", insiste l'auteur du livre SOS BAC Philo : Les citations incontournables*.

"Les thèmes sont souvent proches". Pour bien comprendre pourquoi ces pronostics de sujets susceptibles de tomber n’ont pas de valeur prescriptive, il faut d’abord se pencher sur la façon dont les sujets de philosophie sont choisis. Un système qui ne laisse en effet pas la place aux calculs. Une commission de professeurs est désignée pour faire des propositions de sujets. Les épreuves sont ensuite "testés" par d’autres professeurs, qui vérifient si l’exercice est clair, intelligible en rapport avec le programme et également s’il est déjà tombé. "Il s’agit d’éviter les formulations déjà tombées, de proposer des sujets originaux, même si les thèmes sont souvent proches", commente Nicolas Franck.

Sylvain Bosselet reconnaît, lui, que les inspecteurs qui choisissent les sujets regardent ceux qui sont tombés les années précédentes. Avant de préciser : "mais les notions en philosophie ne sont pas si nombreuses, donc forcément, cela se recoupe une année sur l’autre". "Le champ des possibles n’est pas infinie, notamment parce que les compétences des élèves sont restreintes à ce niveau-là d’étude et que les notions ne sont pas si nombreuses", abonde, de son côté, Nicolas Franck.

"On peut dire que tous les sujets vont tomber". Par ailleurs, si les notions abordées en cour de philosophie sont finalement peu nombreuses - environ une quinzaine - le nombre de sujets au bac, eux, sont conséquents. "Pour chaque filière, il est proposé aux élèves deux dissertations, qui abordent chacune deux notions, et un commentaire de texte, dont découlent deux notions principales et environ trois sous notions. Avec autant de possibilités, la question de probabilité est nulle, puisque toutes les notions peuvent être proposées en deux ans", détaille Sylvain Bosselet. "Il faut savoir qu’il y a un nombre de sujets inconsidérable, entre les plans B, les différentes filières, la section à l’étranger… Si on veut faire des pronostics, on peut dire que tous les sujets vont tomber", ironise Nicolas Franck, qui n’est pas si loin de la réalité. Certains sites de pronostics proposent en effet huit notions comme "probables", ce qui réduit quelque peu le risque de se tromper dans la prédiction.

"Une notion en touche forcément une autre". D’autant plus que, bien souvent, les notions se recoupent entre elles. "Ça n’a pas beaucoup de sens de mettre en avant les notions qui risquent de tomber, car en philosophie, un sujet touche un autre. Par exemple, la notion de désir, se rapproche à celle de la liberté. Et si les thèmes sont la liberté et la conscience, on peut dire qu’ils sont liés à tous les autres thèmes", explique Nicolas Franck.

Les auteurs plutôt que les notions. Sylvain Bosselet conseille donc aux élèves, non pas de réviser en suivant scrupuleusement les notions vues en classe, mais en s’intéressant aux auteurs. "Il n’y a pas de connaissance à recracher tel quel. A l’occasion d’une notion, on raisonne de manière philosophique, mais les notions ne doivent pas constituer une liste de savoir à accumuler. Il vaut mieux parler d’un auteur qui maîtrise plusieurs notions", préconise-t-il en conseillant aux élèves de ne pas perdre de temps sur ces sites qui misent sur le jeu des pronostics.

* SOS BAC Philo : Les citations incontournables, Sylvain Bosselet, éd. Broché.