Pourquoi l'accès à l'emploi des personnes handicapées reste difficile

Une personne handicapée a trois fois moins de chances de trouver un emploi qu'une personne non handicapée ayant les mêmes caractéristiques.
Une personne handicapée a trois fois moins de chances de trouver un emploi qu'une personne non handicapée ayant les mêmes caractéristiques. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Laura Fernandez Rodriguez , modifié à
Une personne handicapée a deux fois plus de risques d’être au chômage, selon une enquête du ministère du Travail.

Une personne handicapée a trois fois moins de chances de trouver un emploi qu'une personne non handicapée ayant les mêmes caractéristiques, et deux fois plus de risques d’être au chômage, selon une enquête du ministère du Travail publiée mercredi.

Ces chiffres révèlent la persistance de fortes inégalités entre les personnes handicapées, qui représentent 6,1% de la population nationale, et les autres, et ce malgré les lois de 1987 et 2005, qui obligent par exemple les entreprises de plus de 20 salariés du secteur public comme du privé à compter dans leurs effectifs au moins 6% de travailleurs en situation de handicap. Alors, quelles sont les barrières auxquelles les personnes handicapées sont encore confrontées dans le monde du travail ?

Les stéréotypes ont la vie dure. "Le premier travail consiste à déconstruire les représentations pour que les décideurs du recrutement voient que les personnes handicapées ne sont pas telles qu’ils les avaient imaginées", nous explique Laurence Bayle, consultante et responsable de la communication à Execo, un cabinet de conseil qui accompagne les entreprises dans leurs politiques de recrutement. "Les stéréotypes qui reviennent régulièrement lors des formations avec les managers, tels que la mobilité réduite, un faible niveau intellectuel, des difficultés d’autonomie ou de gestion de la vie quotidienne sont tous à déconstruire", poursuit-elle. "Par exemple, 80% des personnes handicapées ont un handicap qui est invisible, et 2% des personnes handicapées sont en fauteuil roulant".

"La discrimination est liée à un manque de connaissance et à une peur du sujet. Si on peut contribuer au changement de ce regard, ça aidera. On est au début de l’histoire, mais les choses sont vraiment en train de changer", estime également Stéphane Rivière, président et fondateur de Talentéo, un média qui organise des événements pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. "Par exemple, on attire des collaborateurs sur un événement sportif et ils vont se rendre compte que le handicap n'est pas ce qu’ils imaginaient", détaille-t-il.

Inadéquation entre le niveau de qualification attendu et les compétences. Le facteur du diplôme doit également être pris en compte pour analyser la situation à laquelle font face les personnes handicapées. "La population handicapée est à 80% à un niveau infra baccalauréat", relève Benjamin Taty, chargé du recrutement au sein du cabinet TH Conseil qui lui aussi accompagne les employeurs dans leurs politiques de handicap. "On retrouve donc peu de travailleurs handicapés sur des profils qualifiés", regrette-t-il. Il a d'ailleurs constaté que dans le secteur du recrutement dont il est en charge, l'ingénierie, ces profils étaient "très rares". 

Un constat tempéré par Stéphane Rivière, de Talentéo : "Cette statistique peut risquer de fausser l'image que l'on a de la situation du handicap" estime-t-il. Ainsi, beaucoup de personnes handicapées "ne le disent pas à leur employeur par peur de ne pas évoluer, d'être stigmatisées dans leur entreprise et d'avoir un plafond de verre", juge-t-il. "Quand Talentéo organise des événements on a des personnes handicapées diplômées, mais qui la plupart du temps ne le disent pas", relève-t-il. 

Un parcours qui n'est pas linéaire. Un autre obstacle auquel font face les personnes handicapées est la difficulté d'avoir un parcours linéaire. "Quand on devient handicapé, à 85% du temps on le devient après 16 ans : on ne naît pas handicapé on le devient, après un accident de la vie, une maladie", détaille Laurence Bayle. "Ces personnes vont donc subir une interruption de leur parcours lorsque va survenir leur handicap, et parfois être obligées de se reconvertir", souligne-t-elle. 

 

Des chiffres en trompe-l'oeil

Si ces chiffres ne poussent pas à l'optimisme, ils peuvent, paradoxalement, masquer une situation qui s'améliore. En effet, le taux d'emploi de personnes handicapées par les entreprises a progressé : "En cinq ans, il est passé de 2,8 à 4%", souligne Laurence Bayle, d'Execo. Mais la proportion de personnes handicapées dans la population est, elle, passée de 4% à 6,1% en une dizaine d'années, avec la prise en compte des risques psychosociaux, des maladies professionnelles, du handicap psychique, etc.

"On a beau avoir un taux d’emploi qui augmente, on a aussi une augmentation du nombre de personnes reconnues handicapées. Donc la hausse du taux d’emploi des personnes handicapées ne s’accompagne pas d’une baisse du taux de chômage", décrypte Benjamin Taty, de TH Conseil. "Globalement ça va dans le bon sens, même s'il y a encore des écarts très importants d’une entreprise à l’autre", conclut Stéphane Rivière, de Talentéo. "Ce qui va faire la différence c'est la volonté de la direction de s’emparer du sujet et d’en faire un sujet comme un autre."