Phobie scolaire : "j'étais désemparée, je ne savais plus quoi faire"

IMAGE D'ILLUSTRATION
IMAGE D'ILLUSTRATION © PHILIPPE DESMAZES / AFP
  • Copié
, modifié à
Un ouvrage consacré à ces troubles psychologiques vient de paraître, et souligne l'importance de réagir vite.

"Rien ne la rassurait. Elle ne tenait pas en place, ne contrôlait plus son visage ni ses bras. […] Combien d'heures dans ce couloir de l'école à lui tenir la main, à essayer de contrôler sa respiration. Et puis c'est le retour à la maison parce qu'au bout d'un moment, il faut bien prendre une décision, se rendre à l'évidence. Non, pas d'école aujourd'hui". Comme la maman d'Apolline, environ 1% des parents seraient confrontés à la phobie scolaire de leur enfant. Dans l'ouvrage Ecole : quand la phobie prend le dessus, paru le mois dernier aux éditions Josette Lyon, l'association PhobieScolaire.org livre une série de témoignages poignants sur ce trouble psychologique encore peu connu du grand public, qui plonge de nombreux parents dans le désarroi.

"Un cheval qui se cabre". Les enfants qui en souffrent sont "comme un cheval qui se cabre devant une barrière et ne peut plus avancer", décrit lundi à l'AFP Luc Mathis, le président de l'association. Concrètement, la "phobie scolaire" désigne l'incapacité d'un enfant à aller à l'école pour des motifs psychologiques. On l'appelle également "refus scolaire anxieux", traduction imparfaite du "school refusal" utilisé dans le monde anglo-saxon. La phobie est à distinguer de l'école buissonnière : les enfants victimes de ce trouble ont envie d'étudier, ils ont d'ailleurs parfois de bons résultats. Mais ils sont pris de vertige ou de violents maux de ventre les jours d'école, voire de la paralysie momentanée d'un de leurs membres. 

"Il avait mal au ventre, la nausée, la diarrhée". "Le matin, il n'arrivait pas à se lever. Il me disait qu'il avait peur mais qu'il ne savait pas de quoi. Il avait mal au ventre, la nausée, la diarrhée. Il faisait des crises d'hystérie. Je l'habillais de force et l'amenais à l'école, pensant que c'était des caprices. Au bout de plusieurs semaines, j'étais désemparée, je ne savais plus quoi faire", raconte ainsi la maman du jeune Théo (CM2), dans l'ouvrage de l'association. "Elle est angoissée, insomniaque, mange tout le temps, a un comportement irraisonné. Elle est dans sa bulle, ne veut pas dormir, ne veut pas sortir, ne parle pas", renchérit la maman de Lou (première). De la maternelle au lycée, les phobies peuvent survenir durant toute la scolarité et durer plusieurs années.

De nombreux facteurs de risques. Les causes avancées par les spécialistes sont multiples. Elles semblent se diviser en deux catégories principales : une angoisse de la séparation d'avec les parents, qui touche surtout l'enfant (il pense qu'un malheur va arriver à son père ou sa mère une fois qu'il aura quitté la maison pour aller à l'école); ou la dépression, associée à une phobie sociale (la peur du regard de l'autre) qui est, elle, détectée en majorité chez les adolescents.

"Plusieurs mécanismes et facteurs de risque" sont également à l'œuvre, tels que le harcèlement ou des troubles de l'apprentissage (ou au contraire, le fait d'être surdoué), note dans le livre le docteur Marie-France Le Heuzey, du service psychiatrie de l'hôpital Robert-Debré à Paris. "Ce n'est pas de l'école au sens strict du terme dont ces enfants ont peur, mais de tous les enjeux que l'école les pousse à devoir résoudre", à savoir l'autonomie, la difficulté à lâcher certaines choses, le fait de côtoyer des personnes autres que ses proches ou parfois simplement l'hostilité des autres élèves, résume encore Nicolas Girardon, pédopsychiatre au centre médical et pédagogique pour adolescents de Neufmoutiers-en-Brie, en Seine-et-Marne.

Comment aider son enfant ? Il faut dans tous les cas agir très vite, recommandent les soignants et l'association. Car "le gros risque des enfants en phobie scolaire prolongée, c'est la claustration : des jeunes qui s'enferment chez eux, ne sortent plus et ne voient plus personne", souligne le docteur Le Heuzey.

L'association propose ainsi une feuille de route pratique pour "la prise en charge rapide de votre enfant". Les soins vont de quelques séances de thérapie à une hospitalisation de plusieurs semaines dans des unités adaptées. L'association se donne aussi pour mission de soutenir les familles. Car le sujet reste tabou et suscite souvent des réactions maladroites de l'entourage, qui s'ajoutent aux tensions familiales et au sentiment de culpabilité des parents.

Beaucoup d'enfants s'en sortent, témoigne toutefois le président de l'association, dont la fille n'a pas été en mesure d'aller régulièrement à l'école de 14 à 16 ans. "On perd un an, parfois plus. On ne fait plus les mêmes choix", explique Luc Mathis. Il s'agit de soigner l'enfant puis de le ramener vers la scolarité. Et pour ceux qui ne peuvent pas retourner à l'école, les soignants ont pour objectif de "les aider à avoir une vie affective de qualité, retrouver une bonne image d'eux-mêmes et garder éveillée une curiosité intellectuelle", indique le docteur Girardon. "C'est toujours ça de gagné pour plus tard".