Peut-on encore faire confiance à la Croix-Rouge ?

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Siège de la Croix-Rouge à Paris. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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SOCIÉTÉ - La Croix-Rouge devrait près de 11 millions d'euros à ses salariés, selon un rapport de l'Inspection du travail. Des questions se posent sur ce que deviennent les dons des particuliers.

Temps de travail excessif, privation de repos quotidien… l'Inspection du travail a relevé en 2014 près de 3.800 infractions au siège parisien de la Croix-Rouge. Et la note pourrait être salée : 11 millions d'euros en tout, comprenant les heures non payées et les indemnités. Alors que les particuliers s'interrogent sur l'utilisation de leurs dons, Annie Burlot-Bourdile, directrice déléguée aux organisations et à la coordination à la Croix-Rouge française, invitée sur Europe 1 lundi, a joué la carte de la transparence.

Pas de lien entre les infractions et la gestion des dons. Les 3.800 infractions, qui concernent la grande majorité des 480 salariés du siège de la Croix-Rouge à Paris, n'ont "pas à voir avec la gestion des dons qui sont destinés à financer nos actions sociales" mais aussi les "situations d'urgence", assure Annie Burlot-Bourdile.

Les infractions concernent en effet des dépassements de la durée maximale de travail (fixée à 10 heures par jour) et des privations de repos entre deux phases de travail (d'une durée de 11 heures). Les salariés touchés par ces abus sont rattachés "aux actions sociales et à l'international", précise Annie Burlot-Bourdile.

Qui va payer les indemnités ? Si la gestion des dons n'est nullement pointée du doigt par l'inspection du travail, la Croix-Rouge va devoir payer pour ne pas avoir respecter le Code du travail : une amende de 2,8 millions d'euros ainsi que 11 millions d'euros pour les heures supplémentaires et les indemnités destinées aux salariés.

L'argent des dons va-t-il être utilisé ? "Certainement pas car c'est une caisse distincte", avance la responsable. "Pour être très claire, nous n'avons pas les moyens d'assurer cette nouvelle charge", avance-t-elle. La Croix-Rouge se tournera donc "vers les pouvoirs publics" pour se faire aider. Des négociations sont cependant en cours avec les salariés afin de revoir ce chiffre.

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 En 2014, la Croix-Rouge française a aidé 97.000 personnes en France et 3 millions à l'étranger. (HANNIBAL HANSCHKE / POOL / AFP)

Quelle surveillance des dons en France ? Le scandale de l'Arc, association de recherche sur le cancer, est encore dans tous les esprits. En 1996, son président fondateur, Jacques Crozemarie avait démissionné, avant d'être condamné en 2000 à quatre ans de prison pour abus de confiance et recel d'abus de biens sociaux. Il avait abondamment détourné l'argent des dons à son profit.

Un contrôle de la Cour des comptes. Depuis cette affaire, la Cour des Comptes, qui contrôle les appels à la générosité publique depuis une loi de 1991, a renforcé son action en contrôlant une vingtaine d'associations caritatives et en publiant des rapports qui distribuent les bons et les mauvais points. Et en cas de catastrophe humanitaire qui draine plus de dons que d'habitude, elle peut aussi contrôler de manière plus spécifique le devenir de tout cet argent. Alors qu'un piètre bilan sur la gestion par les ONG de l'argent post-tsunami de 2004 avait été publié, un bilan, globalement positif, avait été fait en 2013 sur l'argent envoyé après le séisme d'Haïti en 2010.

Le Comité de la charte du don en confiance apporte une surveillance supplémentaire. Regroupant aujourd'hui 84 organisations dont la Croix-Rouge, il impose à ses membres un contrôle important des dons de particuliers avec des compte-rendus annuel de leur devenir, disponibles sur le web, et des règles de déontologie précises.

Transparence. Chaque ONG et organismes humanitaires jouent désormais la transparence. Sur le site de la Croix-Rouge par exemple, un graphique, qui présente l'utilisation des dons dans leurs détails, rapporte que 93% des dons vont aux actions sociales. L'organisation précise aussi que 10% des dons reçus suite à des situations d'urgence sont affectées non aux besoins urgents des populations affectées mais à la prévention des risques. Sur les formulaires de dons enfin, les particuliers doivent normalement être informés si leur argent peut être utilisé à une autre mission que celle à laquelle ils veulent contribuer.