Affaire Penelope Fillon : que risque le couple Fillon ?

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Un employeur poursuivit pour détournement de fonds publics encourt jusqu'à 10 ans de prison. © DAMIEN MEYER / AFP
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Romain David , modifié à
La justice s'intéresse aux sommes gagnées par Penelope Fillon, notamment employée comme attachée parlementaire de son mari et du suppléant de celui-ci pendant huit ans. 

Alors que la polémique enfle, la justice entre en scène. Mercredi, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, après des révélations du Canard enchaîné sur les rémunérations de Penelope Fillon.

Le journal satirique affirme que la femme du candidat à l’élection présidentielle, ex-député de la Sarthe, a été rémunérée comme attachée parlementaire de son mari puis du suppléant de celui-ci entre 1998 et 2002, pour quelque 500.000 euros brut. Toujours selon Le Canard, Penelope Fillon aurait également été employée entre 2012 et 2013 comme conseillère littéraire à La Revue des deux Mondes, un périodique détenu par Marc Ladreit de Lacharrière, un proche de François Fillon. Elle aurait touché à ce poste 100.000 euros brut.

  • Que dit la loi sur les assistants parlementaires ?

Les élus disposent d’une enveloppe d’environ 9.500 euros mensuels pour rémunérer jusqu’à cinq collaborateurs. La loi n’interdit pas à un député d’employer un membre de sa famille comme attaché parlementaire mais dans le cas d'un époux/se, la rémunération ne peut dépasser la moitié de l’enveloppe. Toutefois, l’absentéisme de Penelope Fillon, pointé par l’hebdomadaire, interroge sur la nature réelle de ses fonctions et soulève des suspicions d’emploi fictif, d’autant plus qu’une partie de l’entourage de François Fillon, interrogée par Le Canard enchaîné mais aussi par Europe 1, semble avoir tout ignoré du lien contractuel au sein du couple.

 

  •  De quelle infraction parle-t-on ?

"L’emploi fictif n’est pas une infraction", précise auprès d’Europe 1 Eric Alt, magistrat et vice-président d’Anticor, association de lutte contre la corruption politique. "Il peut néanmoins être un élément de preuve d’un détournement de fonds publics, qui lui est une infraction pénale". Les enquêteurs devraient donc commencer par se concentrer sur la consultation d’une série de pièces, comme les agendas de Penelope Fillon, susceptibles de démontrer que cet emploi était bien associé à des tâches effectives.

En ce qui concerne la rémunération versée par La Revue des deux Mondes, puisqu'il ne s’agit pas d’argent public, c'est le chef d'"abus de confiance" qui pourrait être retenu contre Penelope Fillon si la revue décidait de porter plainte, précise Eric Alt.

  • Les faits sont-ils prescrits ?

Dans la mesure où les faits rapportés par Le Canard enchaîné date d’une quinzaine d’années, la question de la prescription est posée. "Elle peut partir de la découverte des faits si l’enquête détermine qu’il s’agit d’une infraction dissimulée, ou bien du dernier versement s’il s’avère que l’infraction était connue de l’Assemblée nationale", explique le magistrat. Dans le premier cas de figure, la date de découverte étant la publication de l'article du journal satirique, l'enquête pourrait se poursuivre. À l'inverse, si les faits n'ont pas été sciemment dissimulés, la prescription étant de 3 ans, l'affaire pourrait être classée.

  • À quelle type de condamnation s'expose le couple Fillon ?

Un employeur poursuivi pour détournement de fonds publics encourt jusqu'à 10 ans de prison et une amende d'un million d'euros. Une condamnation qui, pour un élu, peut s'accompagner d'une peine d'inéligibilité. Le bénéficiaire des sommes détournées est quant à lui susceptible d'être poursuivi pour recel de détournement de fonds. Il risque jusqu'à 10 ans de prison et une amende de 750.000 euros. 

François Fillon, actuellement député de Paris, dispose cependant d’une immunité parlementaire. "Elle ne permet pas à un député de faire n’importe quoi", souligne le magistrat, "surtout si les faits reprochés ont été commis à l’intérieur du parlement". Ainsi, l’immunité n’empêche pas l’ouverture d’une enquête, ni la mise en examen ou l’engagement de poursuites judiciaires. Néanmoins, si François Fillon devait faire l’objet de mesures restrictives de sa liberté, comme un placement en garde à vue, le Bureau de l’Assemblée nationale devrait se réunir pour voter la levée de son immunité. "Mais je ne pense pas que l’on en arrive à cette extrémité", nuance Eric Alt.

Pour l'heure, la présomption d'innocence prévaut et c’est au procureur qu'il appartiendra de déterminer, au terme de l'enquête préliminaire, s'il convient ou non d'ouvrir une information judiciaire. Néanmoins, il pourrait bien s'agir d'un véritable handicap politique pour le candidat qui, en début de campagne, faisait valoir son intégrité morale face à des concurrents empêtrés dans les affaires.