Pédophilie dans l'Église : un an après, quel bilan pour la première cellule d’écoute des victimes créée par un diocèse ?

Église de Toulouse
Église de Toulouse. © ERIC CABANIS / AFP
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Élise Racque , modifié à
Le 26 mai 2016, le diocèse catholique de Montpellier était le premier à mettre en place une cellule d’écoute pour les victimes de pédophilie dans l'Eglise, en partenariat avec le CHU. 

Il y a un an, alors que les affaires de prêtres pédophiles se multipliaient, la conférence des évêques de France (CEF) avait lancé un vaste plan de lutte, notamment en créant sa Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP). Une première en France. Dans la foulée, le 26 mai 2016, l'archevêque de Montpellier était le premier à créer sa propre cellule dans son diocèse, en partenariat avec l’hôpital. La cellule d’écoute de Montpellier est en effet cogérée avec le Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS), au sein du CHU.

Ce mercredi, presque un an jour pour jour après sa création, le diocèse et le Centre hospitalier de Montpellier ont dressé le bilan de leur Cellule d’écoute et d’accompagnement des auteurs et victimes de violences sexuelles au sein de l’Église (CEAVE).

32 appels et des faits prescrits. En douze mois, la cellule a reçu 32 appels téléphoniques. Onze de ces appels concernaient des violences sexuelles commises hors Église. La ligne téléphonique financée par le diocèse a permis de rencontrer trois familles et cinq victimes de violences sexuelles commises au sein de la communauté catholique. Les victimes, des femmes et des hommes, ont été abusées régulièrement entre 6 et 14 ans. Tous les faits étaient prescrits, et remontaient aux années 1940-1960.

"Les faits étaient beaucoup plus anciens que ce qu’on aurait imaginé, ça m’a frappé", témoigne Wayne Bodkin, qui gère la cellule pour le diocèse, et est lui-même doctorant en psychiatrie.

Contacté par Europe1.fr, cet ancien journaliste anglais devenu diacre permanent est responsable de la lutte contre la pédophilie pour le diocèse montpelliérain. Délégué épiscopal à la communication, il avait lancé en octobre 2016 une grande campagne d’affichage dans les églises du diocèse pour inciter les victimes et les auteurs de violences sexuelles à sortir de leur silence. "Je reste déçu par le nombre d’appels, relativement faible", confesse-t-il. "Sur un million d’habitants, on peut imaginer qu’il y a plus de personnes concernées. Mais je tiens à souligner le courage et la force qu’il faut avoir pour oser contacter la cellule, oser parler."

" Le fait que les rendez-vous se fassent à l’hôpital, c’est très important "

Un suivi thérapeutique et judiciaire proposé. La procédure proposée par la cellule est claire : suite à l’appel, la victime se voit proposer un rendez-vous au CHU dans les sept jours. Après une rencontre avec un tandem psychologue-psychiatre, la personne est redirigée soit vers l’avocate de la cellule, soit vers l’archevêque Mgr. Carré. Un nouveau rendez-vous peut également être proposé avec un thérapeute spécialiste.

"Cinq victimes ont souhaité rencontré l’archevêque, et ont eu des retours très positifs sur l’expérience, qui est une première étape de reconnaissance de leur souffrance", explique Wayne Bodkin. Plusieurs personnes sont encore suivies par les médecins du CHU, qui témoignent dans leur communiqué de mercredi : "Pour toutes les personnes rencontrées, l’impact [des violences] sur le développement psycho-affectif et sexuel a été majeur."

L’hôpital, "un lieu sécurisé". Wayne Bodkin insiste sur la spécificité de la cellule de Montpellier, qui coopère avec l’hôpital. "Le fait que les rendez-vous se fassent à l’hôpital, c’est très important. On offre un lieu sécurisé hors-église pour parler. Pour beaucoup de victimes, c’est tout simplement impossible de retourner dans un lieu associé au catholicisme ; le traumatisme est trop fort."

Formation dans les paroisses et les écoles. En un an, les thérapeutes du CHU de Montpellier sont intervenus dans les écoles catholiques du diocèse, et ont formé environ 600 religieux, prêtres et laïcs dans les paroisses du département. Une session de formation a également eu lieu avec les séminaristes qui se préparent à devenir prêtres à Toulouse.

Mercredi, le diocèse et le CHU ont signé une nouvelle convention qui renouvelle la cellule pour un an supplémentaire. Seule nouveauté : face au nombre limité d’appels, la permanence téléphonique sera assurée pendant la journée seulement. Le reste du temps, la personne sera invitée à écrire un mail, ou sera redirigée vers le secrétariat du CRIAVS pour prendre rendez-vous.

Après l’initiative inédite de Montpellier, le diocèse de Lille avait contacté celui de l’Hérault pour mettre en place le même type de partenariat, créé en septembre 2016. Si tous les diocèses offrent maintenant une cellule d’écoute, elle est parfois gérée uniquement par des prêtres ou des agents pastoraux.

Détecter les pédophiles. Nouvelle priorité pour le diocèse de Montpellier : la prévention, et la détection des personnes sujettes aux pulsions pédophiliques. "Je veux passer un message", répète Wayne Bodkin : "Si vous ressentez une attirance pour les enfants, même si vous n’êtes pas passé à l’acte, il faut en parler. Il existe des professionnels qui peuvent vous aider, vous soigner dans un lieu sécurisé."

Pour contacter la cellule d'écoute, le numéro suivant a été mis en place : 07.68.55.00.43.